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privée, qu’il est annoncé, décrit et révélé par les livres saints et par l’enseignement catholique, enfin qu’il apporte à l’âme humaine d’inappréciables complémens de lumière et de force, tant sous le rapport de la connaissance que de la morale. Tel est en effet le seul genre de démonstration qui, selon saint Thomas d’Aquin, convienne à la théologie positive. M. Gratry développe ce texte avec beaucoup de chaleur et d’abondance. Il diversifie à l’infini les expressions, les images, les mouvemens, et quoiqu’il touche à la redondance, la sincérité et la vivacité du sentiment qui l’anime soutiennent son talent jusqu’à la dernière page. C’est ici qu’il se montre un peu mystique, et que par la manière et les idées il se rapproche le plus de Fénelon, le maître qu’il préfère parmi tous les maîtres du XVIIe siècle ; mais le rapprochement ne lui fait pas tort, et toute cette partie de l’ouvrage est digne de l’ensemble. Nous ne voudrions pas prétendre qu’on ne saurait la lire sans être convaincu ; nous affirmons qu’on ne la lira pas sans être touché. En tout, nous regardons ce livre comme une excellente introduction à la foi chrétienne.

On demandera peut-être si nous n’aurions pas quelques difficultés à élever sur le fond même de la doctrine, et l’on s’étonnera que nous laissions passer certaines vivacités ou certaines concessions de langage que la critique pourrait signaler. — Cette tâche nous tente peu quand il s’agit d’un ouvrage où, sans compter des mérites réels, respire l’esprit que nous souhaitons au clergé. Dans cette vieille controverse de la raison et de la foi, que les passions contemporaines s’efforcent de rabaisser à leur niveau, nous distinguons aujourd’hui deux méthodes, deux opinions, osons le dire, deux partis. L’un nous paraît aussi digne d’aversion que l’autre de bienveillance. Le premier commence par attaquer, par exagérer la faiblesse de la nature humaine, surtout l’incertitude et l’obscurité de ses connaissances, au point de l’avilir en quelque sorte. Ses sciences, ses lumières, ses idées, ses efforts, on outrage tout sans discernement ni mesure, et, dégradant la raison, on la déclare propre à ne concevoir légitimement que les excès du sensualisme ou du scepticisme. Il semble que la création n’ait pas été aussi une révélation primitive, et malgré la Bible, malgré saint Jean, malgré saint Paul, on ne consent à voir rien de divin dans l’âme de l’homme, telle qu’elle sort, comme on dit, des mains de la nature, oubliant apparemment que la nature est de Dieu. Alors dans cette misère, dans ces ténèbres, dans ce néant de l’intelligence et de la raison, on fait tout d’un coup apparaître, non la vérité, non la religion même, mais l’autorité de l’église, qui au nom de sa force, au nom de sa durée, exploitant le découragement et la peur, impose la vérité et la religion. On oublie que cette argumentation antérieure, qui retire tout élément divin de la nature humaine, la rend en quelque sorte incapable de Dieu. Si l’homme