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d’or et atteint les frontières du ciel. Les pâtres assis dans les grandes herbes de la plaine se lèvent à sa vue et reçoivent sur leurs visages la douce chaleur de ses premiers rayons ; les chiens cessent leurs aboiemens, et les troupeaux que l’aurore avait surpris broutant le gazon tout imprégné de rosée se couchent pour dormir. L’homme a reconnu dans l’astre divin l’œil de la nature, le témoin de ses actions, qui semble lui dire : Lève-toi et travaille ! « Le Soleil, qui jette son regard sur les hommes, se place au milieu des airs, remplissant le ciel, la terre, l’atmosphère… — Savitri, aux cheveux brillans, couronné des rayons du soleil, a élevé à l’orient sa lumière immortelle… » Le poète hindou dépeint ainsi d’un trait rapide l’intonsus Apollo des Latins, et à propos de ces ressemblances avec les images employées par les Grecs ou les Romains, il y a lieu de faire une remarque importante : c’est que si les Aryens parlent aux dieux avec une certaine familiarité, leur piété est plus vive et plus ardente que ne le sera celle d’Homère et de Virgile. Ils sont plus préoccupés de la puissance de leurs divinités, ils en attendent plus de bienfaits ; on dirait qu’ils espèrent capter leur bienveillance en les flattant. Les chantres des hymnes choisissent leurs expressions moins par goût de poésie et pour frapper en passant un vers immortel que pour rendre un hommage sincère au dieu objet de leur culte. Les Aryens ont dans leurs chants religieux la gravité sereine d’un peuple croyant et convaincu ; l’idée ne leur est pas venue encore de forger sur les immortels des légendes grotesques, parce que les dieux qu’ils invoquent ont à peine revêtu une forme complètement humaine. En poésie comme en art, ils ne trouveront jamais la pureté de diction et de trait qui distingue les Grecs. La forme chez eux demeurera toujours un peu flottante comme les lignes de ces immenses horizons que les feux du soleil baignent partout d’une lumière éblouissante. Cependant la vérité du sentiment ne perd pas autant qu’on le croirait à cette diffusion de la pensée. Un véritable amour de l’humanité et de la nature n’éclate-t-il pas dans ces stances au Soleil : « Que le divin Savitri….. conserve notre vue ! — Conserve la clarté de notre vue ; qu’elle dirige notre corps ! que nous puissions jouir du spectacle de ce monde ! — Que nous puissions te voir, ô admirable Soûrya ! que nous puissions contempler nos semblables ! » Le divin Homère eût-il mieux dit quand ses yeux défaillans commençaient à se troubler et qu’il sentait avec un vague effroi la vue de son esprit s’agrandir à mesure que se resserrait l’horizon de son regard ?

On peut remarquer encore dans les chants du Rig-Véda l’esprit de sociabilité qui distingue le peuple aryen. Par la voix du prêtre, c’est la nation entière qui prie ; l’idée religieuse n’est-elle pas le lien le plus puissant entre les enfans d’un même pays ? Le respect des