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ainsi revêtu de la puissance par Vichnou, les dieux des diverses classes réfléchirent tous sur cet éclat, qui brillait en lui… — Quand il reconnut que le chef des Dévas était plein de force, Vritra poussa un très grand cri dont le bruit traversa la terre, les points de l’horizon, l’espace lumineux et le firmament de toutes parts. —De son côté, le grand Indra fut saisi de fièvre en entendant ce cri grand et terrible. Tout en proie à la terreur, il lâcha cette foudre formidable destinée à tuer l’ennemi, — et, frappé par la foudre d’Indra, il tomba, le grand démon qui portait la guirlande d’or… — Ce chef des Titans étant tué, Indra, tout craintif, courut dans l’eau pour s’y cacher. Il ne se figurait pas que la foudre fût partie de ses mains ; il avait eu si peur, qu’il ne supposait pas que Vritra fût tué. — Tous les Dévas, dans leur joie,… célébrèrent Indra, tandis que les autres immortels réunis tuaient sans relâche tous les démons dévorés de chagrin par suite de la mort de Vritra. »


Arrêtons-nous ici. Ce qui reste de démons se précipite au fond de la mer, comme après l’orage les grosses nuées qui avaient de toutes parts escaladé le ciel tombent en pluie et retournent par les fleuves à l’océan, quand la foudre les a brisées et vaincues. Telle est l’image réelle qu’il faut chercher dans cette légende, soit qu’il s’agisse des ténèbres passagères produites par un orage de la mousson, ou des ténèbres primitives que l’esprit de Dieu dissipa en prononçant le fiat lux, Indra, ainsi pénétré de la puissance de Vichnou, devient tout simplement l’air saturé de l’électricité répandue dans tous les corps. Quand il tremble au fracas de cette foudre échappée de ses mains et dont il ignore les effets, le chef des Dévas, le glorieux Indra disparaît ; on ne voit plus que la personnification du firmament, le ciel ébranlé et comme frappé de terreur par les éclats du tonnerre qui ébranle les voûtes célestes, le Jupiter atmosphérique dont parle Ennius :

Aspice hoc sublime candens quem invocant omnes.

Mais tout aussitôt le poète lui remet au front la divine auréole, et le place, de nouveau à la tête des autres dieux qui célèbrent sa victoire. C’est sous cette dernière forme aussi que l’adoraient déjà les Aryens. Ils le regardaient comme leur dieu protecteur par excellence et invoquaient son appui par des hymnes du ton de celui-ci :


« Ô Indra, viens à notre secours ! donne-nous de l’or ; l’or procure l’opulence, la victoire, la force constante et durable. — Avec l’or et protégés par toi, nous pouvons repousser nos ennemis et à pied et à cheval. — Protégés par toi, ô Indra, nous prenons nos armes, auxquelles tu donnes la force de la foudre, et nos ennemis sont vaincus dans le combat. »


L’or fascine déjà le regard des Aryens ; ils voient dans ce métal étincelant le symbole de la force autant que celui de la richesse. Ce qu’ils demandent surtout, c’est la faveur propice du dieu qui règne