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renfermant les formules d’incantations, d’exorcismes et d’imprécations.

Sur les quatre Védas, il en est un qu’il convient de laisser de côté, le quatrième et dernier, parce qu’il est le produit, non de l’inspiration religieuse des Aryens, mais de la colère, de l’esprit de vengeance et de la superstition des brahmanes. Le troisième disparait devant les deux premiers, dont il est sorti. Le second est d’une grande importance ; il paraîtrait même que jadis son nom (Yadjous, du radical yadj, sacrifice) s’appliquait à l’ensemble des quatre Védas réunis en un seul ouvrage qui comprenait les préceptes, les prières, les formules et les hymnes[1]. Lorsque la division actuelle eut été établie, chacun des quatre Védas fut représenté dans les sacrifices par un prêtre particulier. Au directeur du sacrifice (adhvaryou) il appartint de réciter les prières du Yadjous ; l’officiant (hotri, celui qui présente l’offrande) chanta les hymnes du Rig, en répandant sur le feu les libations ; le chantre (oud-gâtri) répéta à haute voix et sur un ton modulé les chants du Sâma, et un brahmane choisi dans l’assemblée prononça des incantations empruntées à l’Atharvan.

Si l’esprit même de la religion des temps védiques se trouve caché dans les chants du rituel ou Yadjour-Véda, — et pour qu’on puisse le savoir, il faut attendre que M. le docteur Albrecht Weber, de Berlin, en ait achevé la publication et traduit le texte, — le sentiment religieux et guerrier des peuples aryens éclate tout entier dans les hymnes du Rig-Véda. La première divinité qu’ils invoquent, c’est Agni, le Feu.


« Je chante Agni, le dieu prêtre et pontife, le magnifique, — Agni héraut du sacrifice. — Qu’Agni, digne d’être chanté par les richis (sages) anciens et nouveaux, rassemble ici les dieux. — Que par Agni l’homme obtienne une fortune sans cesse croissante, glorieuse, et soutenue par une nombreuse lignée. — Agni, l’offrande pure que tu enveloppes de toutes parts s’élève jusqu’aux dieux…<ref> Toutes nos citations du Rig-Véda sont empruntées à la traduction de M. Langlois.</<ref>. »


Dans ces simples paroles qui commencent le premier des mille et quelques hymnes du Rig-Véda, il y a plus d’idées que de mots. Agni — Ignis — est prêtre et pontife, puisque c’est lui, le feu, qui reçoit l’offrande et la présente aux dieux. Par l’éclat de sa flamme, il proclame le sacrifice ; il est comme le phare, le signal étincelant vers lequel s’empressent d’accourir, pareilles à des oiseaux affamés, ces pauvres divinités avides de manger les oblations. Quand l’homme a su se rendre propice celui qui est le pontife, — les prêtres le nomment plus énergiquement la bouche des dieux, — n’est-il pas assuré de voir arriver entre ses mains tous les dons de la fortune ? Sa gloire

  1. Vichnou-Pourâna, de M. le professeur Wilson, p. 276, no 5.