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vérité historique, enveloppée dans des mythes nuageux, s’évanouissait comme les illusions causées par le mirage. Désormais les Védas ont été publiés et traduits presque en entier ; on a remonté jusqu’à sa source ce fleuve majestueux et profond de la littérature sanscrite. C’est donc de ces importans travaux que nous voudrions parler, de manière à être compris de tout le monde, et en insistant particulièrement sur le Rig-Véda, qui est le sujet de cette étude.


I.

Lorsque les Aryens arrivèrent sur le sol de l’Inde, leur religion était une espèce de sabéisme ; ils rendaient un culte à la nature divinisée. Telle fut aussi la religion des Chaldéens, des Perses et de la plupart des peuples anciens. Après avoir adoré Dieu dans ses plus éclatantes manifestations, l’homme oublia bientôt le Créateur suprême que ses yeux cherchaient vainement à travers le ciel. Il adressa ses prières aux élémens, qui sont des puissances en comparaison de sa faiblesse ; il invoqua les corps célestes, qui règlent les saisons et marquent le temps. Cet obscurcissement de l’intelligence humaine, cette substitution du culte des puissances naturelles à l’adoration d’un Dieu unique, fut comme le premier pas que faisaient les nations primitives vers le polythéisme après la dispersion des enfans de Noé. Partagés en familles ou tribus qui devaient bientôt devenir des peuples, les Aryens, à l’époque reculée où nous nous plaçons, n’avaient point encore rempli leur olympe d’une myriade de divinités étranges et bizarres. La Terre, qui produit et alimente les objets propres aux sacrifices, fleurs et fruits, troupeaux et céréales ; l’Eau, qui rend la Terre féconde ; les Vents, qui règlent les saisons en exerçant leur influence sur la température ; le Feu, emblème de la force, qui dévore l’offrande et nourrit les dieux ; les Crépuscules du soir et du matin (les Açvins, jumeaux), qui servent à marquer l’heure de la prière ; la Lune, que les poètes remercient de ce qu’elle éclaire sans chaleur ; l’Aurore, symbole du réveil de la nature ; enfin les mânes des ancêtres (pitris) qui réclament leur part du sacrifice, — tels furent les premiers objets de la vénération de ces tribus émigrantes. Le culte qu’elles rendaient à ces divinités consistait en sacrifices, en prières et en hymnes chantés durant les cérémonies. L’ensemble de ces cérémonies fut réglé par les Védas, qui se partagent en quatre parties : le Rig-Véda ou livre des hymnes, le Yadjour-Véda (Blanc et Noir), que l’on peut appeler un rituel, et qui contient les formules propres à être récitées pendant la célébration des sacrifices ; le Sâma-Véda, recueil d’hymnes et d’invocations empruntées au Rig et au Yadjour ; enfin l’Atharva-Véda, plus récent que les trois autres,