Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à mes yeux que les liens du sang ; c’est elle qui m’oblige à vous tenir ce langage. Réfléchissez[1]. »

À mesure que Khelkhal parlait, le regret, la colère, la haine, s’allumaient dans le cœur des Goths, dont l’agitation se contenait à peine. À son départ, elle éclate avec fureur, les épées sortent du fourreau, on fait main-basse sur les Huns ; tous ceux qui se trouvaient dans les rangs des Goths sont massacrés. Des scènes pareilles ou en sens contraire se passaient sur d’autres points, et bientôt le camp de Dengbizikh, inondé de sang, présenta l’aspect d’une vaste boucherie. C’est ce moment que les généraux romains attendaient. Ils donnent le signal à leurs troupes, qui marchent en bon ordre sur le défilé, et criblent les barbares de coups de flèches et de javelots. Ceux-ci, reconnaissant leur faute, essaient en vain de se rallier ; l’épée des légionnaires les achève. Un petit nombre seulement, se faisant jour à travers l’armée des Romains, parvinrent à s’échapper et atteignirent la rive du Danube : Denghizikh était avec eux.

Au printemps suivant, l’infatigable batailleur rentrait en campagne avec une nouvelle armée, mais cette fois les généraux romains étaient sur leurs gardes. Anagaste, que la haine rendait ingénieux, tendit un second piège où Denghizikh vint se jeter. On le prit, on le tua, et sa tête détachée du tronc fut envoyée à Constantinople, tandis que les hordes hunniques, battues, dispersées, regagnaient, comme elles pouvaient, l’Hunnivar. Le soldat porteur du message d’ Anagaste arriva dans la ville impériale pendant qu’on célébrait de grandes courses de chars au cirque de bois. Le chef du roi des Huns, défiguré par la mort et par les outrages, fut promené au bout d’une pique à travers les rues et les places, pour aller ensuite figurer dans l’arène au haut d’un poteau, comme une des curiosités du spectacle[2]. La Rome d’Orient ne dissimulait pas la joie que cette mort lui causa : Denghizikh assurément n’était pas Attila, mais c’était son fils et l’ombre de ce nom, qui inspirait encore l’épouvante. On inscrivit donc avec orgueil dans les chroniques cette mention que nous y pouvons lire encore : « La onzième année de Léon empereur Zénon et Martianus étant consuls, fut apportée à Constantinople la tête de Denghizikh, fils d’Attila[3]. »

La mort du représentant le plus élevé de la famille d’Attila rompît peut-être le dernier lien qui rattachait entre eux les membres de cette famille, et jeta les tribus de l’Hunnivar dans des discordes où elles

  1. « Se quidam genare Hmmum, quo maxime glorietur, sed æquitate motum hæc illis dicere ut quæ fadenda essent viderent. » (Prisc, Hist. 20.)
  2. « Cujus caput illatum est Constantinopolim dum circenses agerenture, et per mediam ubis plateam traductum, et ad xyloricum delatum, paloque infixum est. (Chron. Pasch.)
  3. ….. His Coss. Caput Denzicis Hunnorum regis, Attilæ filii, Constantinopolim allatum est. (Chron. Marcel comit.)