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barbare pour les barbares eux-mêmes. Son âme et son corps respirent la menace. Le visage des enfans, ordinairement si doux, est empreint chez elle d’un cachet d’horreur. Une masse ronds qui se termine en pointe, deux cavernes creusées sous le front et où l’on chercherait vainement des yeux, puis entre les joues une excroissance informe et plate, voilà la tête du Hun[1]. La lumière n’arrive qu’avec peine dans les chambres étroites où l’œil semble la fuir, et cependant il s’en échappe des regards perçans qui embrassent les plus lointains espaces. On dirait que ces points ardens places au fond de deux puits compensent leur éloignement par une possession plus énergique de la lumière. L’aplatissement des narines est dû aux bandelettes dont on serre la face des nouveau-nés, afin que le casque, n’ayant plus l’obstacle du nez, s’adapte plus exactement au visage. Ainsi l’amour maternel déforme l’enfant et le façonne pour la guerre[2]… Le reste du corps est beau : une poitrine large, des épaules carrées, peu de ventre, une taille au-dessous de la moyenne quand le Hun est à pied, et grande quand il est à cheval… Sitôt que l’enfant peut se passer de sa mère, on le place sur un cheval, afin que ses membres délicats se plient de bonne heure à des exercices qui rempliront sa vie. Il est des nations qui voyagent et se transportent sur le dos des coursiers, celle-ci y demeure[3]… Armé d’un arc énorme et de longues flèches,

  1. Gens animis membrisque minax : ita vultibus ipsis
    Infantum suus horror inest. Consurgit in arctum
    Massa rotunda caput : geminis sub fronte cavernis
    Visus adest oculis absentibus : arcta cerebri
    In cameram vix ad refugos lux pervenit orbes.
    Non tamen et clausos. Nam fornice non spatioso.
    Magna vident spatia, et majoris luminis usum
    Perspicua in puteis compensant puncta profundis.
    (Sid. Apollin, Carm. 2, v. 245-251.)

  2. Tum ne per malas excrescat fistula duplex,
    Obtundit teneras circumdata fascia nares.
    Ut galeis cedant. Sic propter prœlia natos
    Maternus deformat amor, quia tensa genarum
    Non interjecto fit latior area naso.
    (Sid. Apoll, Paneg. Anth. — Carm. 2, v. 253-257.)

    On voit par ce qui précède que les Huns exerçaient sur la tête de leurs enfans nouveau-nés deux espèces particulières de déformations. La première regardait la face. Au moyen de linges fortement serrés, ils obtenaient l’aplatissement du nez et la dilatation des pommettes des joues. La seconde s’appliquait au crâne, que l’on pétrissait en quelque sorte de manière à l’allonger en pain de sucre. Consurgit in arctum massa rotunda caput. Un savant naturaliste étranger, qui a pris pour objet de ses recherches anthropologiques les races du nord-est de l’Europe, avait été frappé du grand nombre de crânes déformés que présentent les anciennes sépultures dans les localités occupées autrefois par les nations finno-hunniques. Il me fit l’honneur de me consulter à ce sujet. Je suis heureux de pouvoir fournir un texte précis qui réponde au besoin des sciences naturelles, et non moins heureux que celles-ci viennent appuyer d’une démonstration sans réplique les probabilités de l’histoire.

  3. ….. Cornipedum tergo gens altera fertur,
    Hæc habitat. (Paneg. Anthem., v.. 265.)