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découvrit à Priscus une des causes de cette prédilection : les devins avaient prophétisé au roi que ce jeune homme perpétuerait sa postérité, tandis qu’elle s’éteindrait dans ses autres enfans, et Attila aimait en lui plus qu’un fils : il aimait le seul espoir de sa race[1]. Devenu homme, Hernakh se distingua effectivement par des penchans qui pouvaient promettre une vie tranquille et une longue lignée, mais qu’Attila peut-être n’aurait pas vus sans déplaisir. Il était prévoyant, réservé, ennemi de toute résolution violente. Deux de ses frères, fils de la même mère que lui, semblent l’avoir tendrement aimé, et s’être attachés à sa fortune : ils se nommaient Emnedzar et Uzendour.

Nous voyons paraître encore parmi les Huns de sang royal un demi-Germain nommé Gheism, qu’Attila avait eu de la sœur d’Ardaric, roi des Gépides, à l’époque où les plus puissans monarques de la Germanie tenaient à honneur de peupler son lit d’épouses légitimes ou de concubines. Des circonstances que nous exposerons plus bas ayant ramené Gheism en Gépidie près de son oncle, dont il se fit vassal, il en est résulté quelque confusion sur son origine, et il passe près des écrivains byzantins tantôt pour Hun et tantôt pour Gépide. Voilà ceux des fils d’Attila que l’histoire nous fait connaître personnellement. La tradition magyare en ajoute deux autres : Aldarius, né de la Germaine Crimhild, fille d’un duc de Bavière, et Khaba, issu du mariage du roi des Huns avec la princesse Honoria, petite-fille du grand Théodose. Ni l’un ni l’autre ne saurait être avoué par l’histoire. Ainsi qu’on le devine au premier coup d’œil, Aldarius, fils de Crimhild[2], est un emprunt fait par les Hongrois du moyen âge aux épopées germaines sur Attila, et peut-être même ce nom d’Aldarius n’est-il qu’une altération de celui d’Ardaric, qu’on aurait confondu avec son neveu. Quant à Khaba, qui joue un rôle très important dans les traditions magyares, il appartient, selon toute apparence, à une épopée orientale dont ces traditions semblent renfermer des fragmens. L’imagination des Orientaux n’a point voulu que l’amour d’une fille d’empereur romain pour un roi des Huns restât sans dénoûment ; elle les a mariés et leur a donné une postérité en dépit des verrous sous lesquels Honoria avait été confinée par sa mère, en dépit de l’indifférence d’Attila, qui ne la réclama jamais pour sa femme que lorsqu’il était sûr de ne pas l’obtenir, et de l’histoire enfin, qui nous atteste que les deux amans ne se virent jamais[3].

  1. « Ego vero cùm admirarer, Attilam reliquos suos liberos parvifacere, ad hunc solum animam adjicere, unus ex bartaris qui prope me sedebat et latinæ linguæ usum habebat, fide priùs accepta, me nihil eorum, quæ dicerentur, evulgatarum, dixit, vates Attilæ vaticinatos esse, ejus genus quod alioquin interiturum erat, ab hoc puero restauratum iri. »
  2. Voir dans les Légendes d’Attila ce qui est dit de Crimhild, personnage principal des Nibelungen. — Revue des Deux Mondes, livraison du 1er  décembre 1852.
  3. Revue des Deux Mondes, livraison du 15 novembre 1852.