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Maintenant réunissez tous ces élémens divers : les divisions intérieures de l’Italie, les défiances des princes, le dissolvant des passions locales, le travail inexorable des sectes révolutionnaires, l’acharnement des partis à harceler des troupes sans autre soutien que leur courage, l’indifférence des populations : — qu’en pouvait-il résulter ? — Trois choses également désastreuses, qui sont la moralité et le dénoûment de cette première période de la guerre de l’indépendance : la décomposition de l’armée, les scènes de Milan du 5 août et l’armistice conclu par le général au nom du Piémont.

C’est le 26 juillet que l’année piémontaise essuyait la défaite de Costozza, et se trouvait précipitée dans une retraite désespérée qu’elle illustrait encore par trois jours de combats, et que Charles-Albert s’efforçait vainement de suspendre en tentant de négocier une suspension d’armes d’abord directement, puis par l’intermédiaire du ministre anglais, sir Ralph Abercromby. La direction même de la retraite indiquait la pensée d’aller couvrir Milan. C’était une faute stratégique : cette héroïque témérité, Charles-Albert la commettait pour ne point laisser sans défense, au moment du péril, une ville où il n’avait pas voulu, au commencement de la campagne, aller chercher de faciles triomphes. Le 3 août, il se trouvait sous les murs de Milan, suivi par les Autrichiens, et le 4 il livrait sa dernière bataille, soutenant une lutte de onze heures au milieu de la pluie et du tonnerre, animant ses soldats par sa présence, et voyant autour de lui ses officiers décimés par le feu. Qui dirait cependant que ces soldats étaient reçus froidement ? L’officier de la brigade de Savoie raconte qu’il entendait murmurer : « Quels affreux soldats ! quels haillons ! » Défendre encore Milan après la journée du 4, c’était certes une pensée chevaleresque ; il eût seulement fallu des moyens de défense. Or, quoi qu’on en ait dit, l’argent et les vivres manquaient pour soutenir un siège : il y avait des munitions pour un jour, et l’armée était séparée de son parc d’artillerie, tandis qu’à la porte Romaine étaient les impériaux vainqueurs, irrités et disposant de formidables moyens. Prétendre renouveler les journées de mars et les barricades en présence d’une armée relevée par la victoire et forte de cinquante mille hommes décidés à toutes les extrémités de la destruction, c’était la plus insensée des tentatives. Une capitulation protectrice pour la ville et un armistice pour l’armée piémontaise devenaient les conditions fatales de la situation.

C’est alors que se passait une de ces scènes qu’il faudrait pouvoir arracher de l’histoire d’un peuple. Ce roi qui avait laissé ouverte la route du Piémont pour faire de ses forces le bouclier de Milan, qui venait d’échapper à un dernier combat, — ce roi était assailli dans le palais Greppi par une tourbe d’agitateurs qui la veille s’étaient