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incursions des nations asiatiques et plus tard contre celles des Goths. Quand les nécessités de la défense obligèrent l’empereur Aurélien de ramener la frontière romaine au Danube, il ouvrit aux colons daco-romains un asile sur la rive droite du fleuve dans une subdivision provinciale séparée de la Mésie, et à laquelle, par un sentiment de regret, il attacha le nom de Dacie ; mais un grand nombre de ces colons transdanubiens refusèrent d’abandonner leur pays. Ils résistèrent comme ils purent aux nations gothiques qui, des rives du Dniester, s’avançaient vers le Danube. Quand les Goths furent maîtres des Carpathes, les colons romains se résignèrent à vivre sous une domination qui ménageait en eux les arts qu’elle ignorait et le travail des champs qu’elle dédaignait. Plus tard ils passèrent avec la Dacie des mains des Goths dans celles des Huns vainqueurs des Goths et furent sujets d’Attila. Après Attila, d’autres dominations barbares les possédèrent, et épargnèrent toujours en eux une population industrieuse dont le travail leur profitait. C’est ainsi qu’ils ont traversé dix-sept cents ans, laissant le temps emporter leurs maîtres, et perpétuant au milieu de barbares de toutes races les restes d’une vieille civilisation, une langue fille de la langue latine et une physionomie souvent noble et belle qui rappelle le type des races italiques. Les Slaves leurs voisins les ont désignés sous le nom de Vlakhes ou Valaques, c’est-à-dire pasteurs, à cause de leur principale industrie, qui fut de tout temps l’éducation des troupeaux ; mais eux ne reconnaissent et n’ont jamais reconnu d’autre appellation nationale que celle de Roumans, c’est-à-dire Romains.

La Pannonie et la Mésie romaines, provinces toutes militaires, furent à l’orient de l’Europe ce que la Gaule était à l’occident, le boulevard de l’empire. Elles couvraient une des entrées de l’Italie et la Grèce tout entière sur ses deux lignes de défense, le Danube et la chaîne de l’Hémus, et leur importance ne fit que s’accroître lorsque Rome se fut donné une sœur sur le Bosphore, et qu’elles eurent deux empereurs à protéger. Malgré les relations fréquentes avec la Grèce et le voisinage de Constantinople, leur civilisation, éclose au foyer des camps, garda toujours quelque chose de la rudesse, mais aussi de l’honnêteté des mœurs militaires. Elles furent aux IIIe et IVe siècles la pépinière des légions, et par les légions celle des Césars. Il est peu de grands empereurs de cette époque qui n’aient été Illyriens. Claude le Gothique naquit au pied de l’Hémus, Probus à Sirmium, Aurélien dans les campagne qui avoisinaient cette ville ; Dioclétien était Dalmate, et son collègue Maximilien Hercule — Pannonien. Galérius avait porté le bâton des pâtres dans les montagnes de la Mésie avant de tenir l’épée de Jules-César. Naïsse, aujourd’hui Nissa, se glorifiait d’avoir vu naître Constantin, et Valentinien Ier, ce fier