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pouvoir exécutif. Or il est résulté de cette situation deux choses que ne prévoyaient pas les auteurs de la constitution.

D’un côté, le suffrage universel a singulièrement favorisé les conservateurs, qui ont été élus en assez grand nombre gouverneurs des provinces, sénateurs, députés ; de l’autre, le général Obando, dès qu’il a été nommé président, n’a pu se soumettre qu’avec impatience à une constitution qui lui liait les mains et le dépouillait de tout pouvoir. À mesure que cette situation s’est développée, le parti démocratique s’est scindé ; une fraction s’est de plus en plus enfoncée dans la démagogie, dans le socialisme ; l’autre s’est groupée autour du président et a favorisé chez lui des idées de dictature. Ces détails sont nécessaires pour comprendre la tentative de révolution qui vient d’avoir lieu à Bogota. Qu’est-il arrivé en effet ? Dans le désordre d’idées et d’institutions qui règne dans la Nouvelle-Grenade, le malaise n’a fait que s’accroître, les partis n’ont fait que s’irriter. Il y a peu de temps le congrès discutait une loi qui tendait à réduire l’armée à huit cents hommes. Les conservateurs faisaient pourtant élever le chiffre à douze cents ; mais les partisans du président n’en étaient pas moins violemment exaspérés de ce coup porté à l’armée. C’est cette occasion qu’ils choisissaient pour agir, dans l’espoir de tourner à leur profit le mécontentement de l’armée. Le 17 avril, le général José-Maria Melo prenait à Bogota l’initiative d’un mouvement révolutionnaire qui proclamait la dictature du général Obando. Ce dernier cependant ne tardait pas à voir que le mouvement révolutionnaire restait sans écho dans la masse de la population, et alors il le désavouait. Le général Melo, ne voulant point sans doute avoir fait une révolution pour rien, retint le général Obando prisonnier, et prit lui-même la direction du mouvement en se déclarant chef du suprême gouvernement provisoire. Le général Melo s’est mis immédiatement à l’œuvre. Il a supprimé la constitution démocratique, et il a rétabli dans ses dispositions principales celle de 1843, s’appliquant à donner à ses actes un certain caractère conservateur. Le général Melo était resté maitre de Bogota, lorsque la résistance est venue bientôt s’organiser dans les provinces. Un des vice-présidens de la république, le général Herrera, retiré dans la province de Carthagène, a pris en main le pouvoir exécutif. Sur un autre point, un ancien président, le général Mosquera, qui vivait depuis quelques années aux États-Unis et qui se trouvait par hasard en ce moment dans la Nouvelle-Grenade, a adressé une proclamation au pays. Le drapeau qu’il lève, c’est tout simplement celui du rétablissement constitutionnel du général Obando Rien n’est donc moins certain que le succès de la tentative accomplie par le général Melo à Bogota ; mais quelle sera la situation du général Obando, prit en quelque sorte en flagrant délit de complicité avec la révolution du 17 avril et rétabli par ses adversaires ? Peut-être après tout n’est-il point impossible que de cette confusion il ne finisse par sortir une amélioration pour la Nouvelle-Grenade.

ch. de mazade
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V. de Mars