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peut-être aujourd’hui les entraînemens d’une politique parfois trop exclusive, et ainsi interprété, le vote récent des électeurs belges ne ferait que venir à l’appui d’un système conciliant et mesuré. Il est seulement fâcheux qu’un des hommes les plus considérables de la Belgique se trouve momentanément exclu du parlement.

La Hollande se trouvait aussi le même jour, comme nous le disions, en travail d’élections, et ce mouvement électoral lui-même se produisait au lendemain de débats législatifs qui n’ont point été sans importance. Ici comme en Belgique, il s’agit de savoir quel parti prédominera. Sera-ce le parti libéral, que M. Thorbecke a déjà représenté au pouvoir ? Sera-ce le parti anti-révolutionnaire ou protestant, dont l’un des chefs principaux est M. Groen van Prinsterer ? Entre ces deux tendances tranchées et opposées, le cabinet actuel de La Haye exprime une sorte de juste-milieu. Ces différentes nuances se manifestent naturellement dans la discussion des questions que la seconde chambre des états-généraux a eu à résoudre avant d’être renouvelée par l’élection. L’une des plus graves de ces questions avait trait à l’assistance publique. C’est là un ordre de matières délicates qui a donné lieu déjà à bien des combinaisons et aux opinions les plus divergentes ; mais en définitive toutes les divergences portent sur un seul point, qui est le principal, il est vrai : c’est le degré de surveillance de l’état sur les institutions de charité. Un premier projet, présenté par le ministère Thorbecke, avait soulevé la plus vive opposition de la part des communautés religieuses. Le cabinet actuel a cherché une sorte de terme moyen. Comme il arrive souvent, ce tenue moyen a eu contre lui les opinions extrêmes dans les deux sens divers. Le parti anti-révolutionnaire reprochait au projet ministériel de n’être autre chose que l’immixtion organisée de l’état dans les œuvres de charité. Le parti libéral au contraire lui reprochait d’énerver le principe de la surveillance publique par des ménagemens inutiles. Ces deux opinions opposées étaient exprimées surtout par M. Groen van Prinsterer et M. Thorbecke. Une lutte des plus animées s’engageait sur l’article de la loi qui stipule la communication à l’état des règlemens organiques et administratifs des institutions de charité. Malgré tout ceiiendant, la loi était votée par 37 voix contre 28, et elle vient récemment d’être adoptée également par la première chambre. La question de l’enseignement n’a pas soulevé des discussions moins vives.

Un incident d’une nature différente et assez singulier par lui-même est venu animer les dernières séances de la seconde chambre. Il s’agissait d’une interpellation de M. Thorbecke au sujet de l’apparition d’un bâtiment de guerre français, la Favorite, dans la rade d’Hellevoetsluis. M. Thorbecke demandait au ministère s’il était vrai que des bâtimens appartenant aux puissances aujourd’hui en guerre avec la Russie eussent pour instructions de faire la garde devant les ports de la Hollande, de visiter les navires néerlandais en pleine mer. En tout cela, il y avait évidemment une exagération singulière. Le sens de la réponse du ministre des affaires étrangères, V. van Hall, c’est que la Hollande reste dans une stricte neutralité, que le gouvernement n’a nullement l’intention d’empêcher l’entrée dans les ports néerlandais des vaisseaux de guerre étrangers, et qu’il n’y a rien de fondé les craintes inspirées par l’apparition du bâtiment français la Favorite.