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PERSPECTIVES
SUR
LE TEMPS PRÉSENT


DE L’IDÉE DE MONARCHIE UNIVERSELLE.


Une des présomptions les plus amusantes et les plus curieuses de notre époque, c’est une certaine fatuité propre à nos contemporains qui consiste à leur faire penser que les lois qui ont régi jusqu’à présent l’humanité ont changé subitement depuis leur naissance, et qu’ils n’ont plus à redouter ce qui troubla la vie de leurs pères. Cette aveugle fatuité est tellement enracinée, que l’expérience elle-même ne peut les en corriger. — La veille de 1848, de fortes têtes politiques vous auraient affirmé que l’Europe n’avait pas à craindre de nouvelles révolutions, et le lendemain tous les peuples étaient soulevés, toutes les armées étaient sur pied, et deux années remplies d’émeutes, de sièges, de combats et de ruines suffirent à peine pour épuiser cet accès de fiévreuse agitation. — Lorsque la question d’Orient eut éclaté, il était clair pour tout esprit à peu près sensé que la guerre en sortirait infailliblement ; cette désastreuse conséquence ressortait nécessairement de l’ensemble des faits, de la situation de la Turquie, des tendances avouées du gouvernement russe, du caractère bien connu du tsar. Cependant l’Europe entière a refusé de croire à la guerre ! — Quoi ! la guerre dans une époque de chemins de fer et de trois pour cent ! la guerre lorsque nous avons tant de moellons à tailler, et tant de quintaux de coton à tisser ! la guerre lorsque nos intérêts veulent absolument que la paix continue ! — Ainsi raisonnait un chacun prenant ses désirs pour des réalités et ses intérêts