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généreux et humains et ne se font pas moins remarquer par leur véracité que par leur courage. L’armée du Bengale se compose, en grande partie, de ces hommes, et c’est un fait digne d’observation, qu’on est rarement obligé d’avoir recours à des punitions corporelles dans cette armée, le moindre reproche ayant autant d’effet sur eux que les peines disciplinaires les plus sur les troupes des autres nations. »


La classe militaire peut, il est vrai, être considérée dans l’Inde comme l’élite de la population, mais il est à remarquer que l’ensemble de la population hindoue a été jugé d’autant plus favorablement que le jugement porté a été le fruit d’une plus longue expérience.

Le colonel Munro[1] a exprimé aussi devant la chambre des communes la haute opinion qu’il s’était faite de la moralité des Hindous des deux sexes et de la civilisation hindoue en général. Ses conclusions sont dignes d’une attention particulière. « Les Hindous, dit-il, ne sont pas inférieurs aux nations de l’Europe, et si la civilisation pouvait devenir jamais un article de commerce entre les deux pays, je suis convaincu que la balance des importations serait en faveur de l’Hindoustan. » Tout en tenant compte d’une certaine exagération libérale qu’on serait peut-être en droit de reprocher aux dépositions que nous avons invoquées, on ne saurait se refuser à reconnaître que l’ensemble des témoignages, émanés comme ils le sont d’hommes éminens par leur intelligence, leur instruction et la part qu’ils ont prise au gouvernement du pays, décide péremptoirement la question de l’infériorité prétendue des races hindoues. Que ces races aient dégénéré sur certains points de l’Inde, que les classes privilégiées aient, depuis longtemps déjà, cessé de maintenir la pureté relative de leur sang et de leurs institutions, et que la civilisation hindoue en général semblât plutôt rétrograder que rester stationnaire dès le temps d’Akbăr, — tout cela peut être plus ou moins susceptible de démonstration, mais les argumens que l’on pourrait tirer de ces faits pour soutenir la thèse étrange de l’infériorité a priori ne nous paraissent pas plus concluans que les argumens que l’on prétendrait fonder sur des faits analogues en ce qui touche certains peuples de l’Occident, si différens d’eux-mêmes à diverses époques de leur histoire.

Ce qui est certain, c’est que dans l’Hindoustan la caste sacerdotale et la caste guerrière se rattachent par leurs traditions, leurs croyances et leurs habitudes spéciales, aux grands rameaux caucasiques. Les secrètes sympathies d’une origine commune devaient révéler proroptement à une haute intelligence comme celle d’Akbăr le

  1. Depuis général et gouverneur de la présidence de Madras.