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maître du temporel et de l’éternel. » Ce passage est curieux, quand on le rapproche du récit des faits plus ou moins constatés que le somnambulisme magnétique offre de nos jours à la curiosité du public. Plus loin, l’auteur du Dabistân, racontant la mort du philosophe Kamrân de Shiraz, qui avait été contemporain d’Akbăr, s’exprime ainsi : « Kamrân, voyant arriver sa dernière heure, dit à ses disciples qui l’entouraient : « Je crois à la divinité du souverain Créateur, à la prophétie de l’intelligence, à la sainteté (imâmet) de l’esprit, au ciel étoilé comme kiblah (temple, autel, le point vers lequel on doit se tourner dans l’acte de la prière) et à la délivrance finale par la philosophie, et je déteste les francs penseurs et toutes les autres religions. » Au moment de mourir, Kamrân prononça les noms de l’Être existant par lui-même, de l’intelligence, de l’esprit et des astres ; les assistans répétèrent en chœur ses paroles jusqu’à ce qu’il eût quitté sa dépouille mortelle. Sa vie s’était étendue au-delà de cent ans, et il avait conservé jusqu’au dernier moment ses forces et ses facultés intactes. Il eût préféré être brûlé après sa mort ; mais, prévoyant qu’on s’y opposerait, il recommanda à son ami Houshiar de l’enterrer en ayant soin de tourner ses pieds vers l’occident, comme cela avait eu lieu pour Aristote et ses disciples, Houshiar se conforma à sa volonté à cet égard. Suivant son désir, il alluma aussi une lampe qu’il laissa brûler à la tête de son cercueil pendant toute une semaine, « en honneur de la planète (le seigneur Moushterry, Jupiter) qui gouvernait alors sa destinée, et distribua les alimens et les vêtemens appropriés à cet astre parmi les brahmanes et les nécessiteux, qui tous prièrent pour que Jupiter se montrât propice, afin que l’âme de Hakîm Kamrân pût être réunie aux esprits purs. » La prospérité de la race de Gengiskan paraissait si intimement liée à ces croyances traditionnelles, que le même auteur déclare, dans un autre endroit, «qu’aussi longtemps que les sultans des Moghols ont professé le culte des astres, ils ont conquis les habitans du monde ; mais aussitôt qu’ils ont abandonné ce culte, ils ont perdu beaucoup de pays, et ceux qu’ils ont conservés se sont trouvés être sans force et sans valeur. »

Si l’on se rappelle les pratiques superstitieuses de Houmayoûn, comment il souffla sur le front de son fils en lisant à haute voix, au coucher de la lune, quelques versets du Korân, etc., on comprendra qu’Akbăr, élevé au milieu de musulmans zélés et fanatiques, disposé d’ailleurs à se passionner pour une religion qu’il croyait révélée à Mahomet par Dieu lui-même, ait été sincèrement dévoué d’abord à la loi du Korân. Marié de très bonne heure, mais arrivé à l’âge de vingt-huit ans sans avoir d’enfans qui eussent vécu «au-delà d’une heure astronomique, » dit Djăhan-Guir dans ses Mémoires, il alla au village de