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relations étrangères ; elles seules durent où rien ne semble durable. Les dynasties s’écroulent, les révolutions succèdent aux révolutions ; Hindous, Pathânt, Mahrattes, Sikhs, Anglais, deviennent maîtres tour à tour, mais la commune reste la même. En temps de troubles, les villageois prennent les armes et fortifient leurs villages. Une armée ennemie traverse le pays, les troupeaux sont rentrés dans l’enceinte des murs, et on laisse passer les troupes sans les inquiéter. Si le pillage et la dévastation menacent la commune et que les forces dirigées contre elle soient irrésistibles, les habitans se réfugiait dans des villages amis, et, une fois l’orage passé, ils retournent et reprennent leurs occupations. Si toute une province est pendant des années le théâtre de la guerre et ravagée par le pillage, le meurtre et l’incendie, en sorte que les villages demeurent abandonnés, les villageois dispersés se réuniront sur le territoire de la commune aussitôt que renaîtra l’espoir d’une possession tranquille. Une génération peut disparaître, mais la génération suivante viendra rallumer les foyers longtemps déserts. — Les fils reprendront la place de leurs pères ; le village sera rebâti au même endroit, les maisons seront reconstruites dans les positions qu’elles occupaient, les mêmes cultivées par les descendans de ceux que la guerre avait bannis ; souvent ce n’est pas chose aisée que de les chasser de leur commune, et, dans des temps de désordres et de convulsions intestines, il n’est pas rare qu’ils repoussent avec succès les attaques et parviennent à se soustraire à l’oppression. — Cette union des familles dans un danger commun, cette organisation qui fait de chaque commune une petite république, ont contribué plus qu’aucune cause à maintenir la nationalité hindoue intacte, pour ainsi dire, au milieu des révolutions et des changemens qui ont affecté la condition politique des divers états. Cette stabilité relative de la commune a garanti de tout temps à la masse de la nation un degré de liberté, d’indépendance et de bonheur beaucoup plus considérable qu’on ne l’aurait supposé dans un pays qui a été le théâtre de tant de dominations établies par la guerre ou par la violence des révolutions. »


Le chef du village (grâmâdhipati en sanscrit, patèl dans le Dăkkbăn et l’Hindoustan central, mandel au Bengale) est à la fois l’agent de la commune et celui du gouvernement. Depuis des siècles, ses fonctions sont héréditaires. En considération de sa qualité de premier magistrat, le gouvernement lui alloue une certaine étendue de terrain et lui accorde un traitement annuel ; mais la meilleure partie de son revenu consiste dans les redevances que le chef du village perçoit des chefs de famille. C’est lui qui arrête chaque année, avec le gouvernement, le montant de l’impôt territorial, et le répartit parmi les villageois suivant la nature et l’étendue de leurs terres. Il loue les terrains qui se trouvent sans cultivateurs, distribue les eaux pour l’irrigation, règle les différends, se saisit des malfaiteurs et les envole à l’officier du district. Ces fonctions municipales sont exercées en public dans un lieu désigné à cet effet, et, sur tous les points qui affectent l’intérêt de la communauté, les villageois prennent