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bien dans les soins qu’ils prennent des malades, et sans doute leur ascendant moral vient en aide aux médicamens.

Les missionnaires protestans ayant complètement échoué auprès des adorateurs de Bouddha, on craignit naturellement de voir surgir en M. Hill un nouvel apôtre. Le voyageur rassura tout le monde et prit congé de l’immortel, avec lequel il avait tant bien que mal échangé quelques phrases. L’opinion de M. Hill est que le bouddhisme est une religion en rapport avec les intelligences qui la pratiquent, et qui ne concevraient pas l’esprit des religions de l’Europe. Sans vouloir faire ici du prosélytisme, je ne puis adopter ni cette opinion, ni les chiffres qu’on cite à l’appui. Le bouddhisme, suivant Hassell, cité par M. Hill, est la religion qui compte le plus de croyans : il en porte le nombre à trois cent seize millions en comprenant toutes les sectes. Le même auteur admet deux cent cinquante-deux millions de chrétiens de toutes les communions, cent vingt millions de musulmans, cent onze millions de bramines avec quatre millions de juifs. Les autres hommes sont idolâtres ou sans religion régulière, au nombre de cent trente-quatre millions. J’ai sous les yeux les nombres peu concordans de Malte-Brun, de Pinkerton, de Balbi. Ce dernier admet deux cent soixante millions de chrétiens : c’est la plus forte évaluation ; mais comment peut-on restreindre à ce nombre les chrétiens de toutes les sectes, puisque l’Europe seule donne deux cent cinquante millions d’âmes, dont bien peu professent une religion autre que le christianisme, et que de plus la race anglaise réunit vingt-huit millions d’âmes dans l’Amérique du Nord, et la race espagnole vingt-deux millions dans l’Amérique du Sud, lesquels sont presque tous chrétiens ? Il y a encore près de deux millions de chrétiens en Sibérie. L’Australie fait de rapides progrès entre les mains de la race anglaise, et dans l’Arménie, l’Asie-Mineure, la Syrie, la Palestine et l’Abyssinie, que de millions encore de chrétiens ! Voilà donc une croyance et une direction de civilisation qui ont réuni sous leur bannière un tiers de la race humaine. Il n’y a pas à rechercher si le christianisme est ou n’est pas en rapport avec le génie de l’humanité ; il ne s’agit pas ici de théologie, il s’agit de la science des faits et d’une forte organisation pour les sociétés modernes : or l’expérience a prononcé en faveur du christianisme, soit catholique, soit grec, soit protestant.

Pour ne pas être injuste envers les musulmans, dont la Sibérie contient un assez grand nombre dans sa partie occidentale et méridionale, où elle confine à la Tartarie et au Turkestan, il faut convenir que l’abstinence des vins et des liqueurs fermentées et enivrantes donne aux peuplades musulmanes une grande supériorité sur toutes les autres races sibériennes, qui sont non moins adonnées à