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espaces célestes. D’après une remarque de M. Hill, dans les froids intenses de 40 ou 50 degrés Réaumur, c’est le vent de la Mer-Glaciale qui tempère un peu cet épouvantable climat.

Au début du voyage de M. Hill, nous sommes à Nijney-Novogorod, entre Moscou et la frontière de Sibérie, sur le Volga, cette grande artère de la Russie, comme le Danube est celle de l’Europe au sud-est. Nous pouvons ainsi faire connaissance non-seulement avec les populations sibériennes qu’attire la foire de Nijney, mais avec la plupart des races de l’Europe et de l’Asie. Chaque année, au milieu d’août, Nijney devient un point de réunion pour trois cent mille étrangers, arrivant par des bateaux, par des bêtes de trait, par des caravanes de chameaux, — de l’ouest avec les produits manufacturiers de l’Europe, — du nord avec les produits des mines et des chasses de la Sibérie, — de l’est avec le thé et la soie de la Chine, — du sud avec les bestiaux, les chevaux et les produits de l’Asie centrale, comme aussi avec les riches étoffes et tapis de l’Arménie et de la Perse. Tous les peuples, hors les Chinois, qui ne sortent jamais du Céleste Empire, sont représentés à Nijney. Les vaisseaux persans de la Mer-Caspienne, les chameaux de la Tartarie, les chevaux turcomans, les voitures ou plutôt les charrettes sibériennes, avec leurs chevaux à poil polaire qui apportent les produits déposés l’hiver par les traîneaux dans les magasins des localités voisines, tout concourt à représenter un congrès de toutes les races européennes et asiatiques pour des transactions pacifiques dont le chiffre s’élève à 220 millions de francs. Dans toute cette foule de chrétiens de toutes les sectes, de musulmans, de bouddhistes, d’idolâtres chamanistes, c’est-à-dire ayant pour directeurs religieux des sorcier, reconnus dans chaque localité, en était-il beaucoup qui se demandaient d’où vient le Volga ?

Sans doute il vient de ses cent mille sources dans le vaste bassin récemment adjugé à l’Europe par les géographes modernes, tandis que les anciens limitaient l’Europe au Don ou Tanaïs,


Europam ex Asiâ Tanaïs disterminat amnis.


Mais ces sources elles-mêmes, qui les entretient ? C’est le vent d’ouest apportant les exhalaisons de l’Atlantique pendant huit ou neuf mois de l’année. Le Dnieper, le Don, le Volga, l’Oural au sud, avec la Neva, la Dwina et la Petchora au nord, représentent à peu près tout ce que l’échange entre l’atmosphère de la mer et l’atmosphère de la terre fournit d’eau excédante à cette partie du continent. Dans les produits commerciaux que reçoit la navigation du Volga, nous avons oublié ceux de la Mer-Noire, qui passent par un petit trajet du Don au Volga. Aussi les Grecs et les Turcs sont à la foire de Novogorod en aussi grande quantité que les autres nations limitrophes de la Russie.