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année, et, frais distraits, 3,000 fr. Dans un voyage récent, nous avons pu nous assurer que des colons avaient retiré jusqu’à 4,000fr. d’un hectare semé de coton, et que ceux qui avaient vendu jusqu’à 3,000 fr. la récolte d’un hectare de tabac n’étaient pas rares. Partout où l’eau arrive à la terre, le même phénomène de fécondité se renouvelle. La proportion entre le sol arrosé et celui qui ne l’est pas est donc comme 1 est à 10 en moyenne. La combinaison du soleil avec l’eau fait de la terre d’Afrique un laboratoire incessant de production. Un agronome illustre a dit : « Un d’eau et un de soleil ne font pas deux, ils font quatre. » En Afrique ils font tout. Avec de l’eau, les primeurs potagères viennent à chaque mois de l’année, de même que les fourrages.

C’est donc à étendre les bienfaits de l’irrigation sur le plus de terres possible que consiste le problème de la meilleure exploitation du sol de l’Algérie. Les moyens d’arrosement ne manquent pas, il faut le dire. Aucune des rivières qui sillonnent en tous sens la terre d’Afrique n’est ni navigable ni même flottable : rien n’empêche d’utiliser toutes leurs eaux pour l’irrigation.

Les sources sont nombreuses, sinon abondantes. Enfin, dans la saison des pluies, il tombe en Afrique une quantité d’eau plus considérable qu’en France pendant toute l’année. Voilà donc bien des ressources d’irrigation qui s’offrent à l’industrie agricole en Algérie ; mais il s’agit d’en tirer parti, et là se présentent d’assez graves difficultés.

À l’emploi des eaux pluviales, par exemple, se rattache la question du reboisement. L’abondante masse d’eau qui tombe du ciel pendant quelques mois de l’année s’écoule immédiatement, et n’apporte à la terre, qu’elle devrait féconder en la pénétrant, que les dévastations de son passage. Si l’eau pluviale ravage le sol algérien au lieu de le féconder en l’humectant, c’est parce que l’Algérie manque d’arbres. Sans doute, le reboisement n’aurait pas pour résultat, comme on l’a prétendu, d’espacer sur un plus grand nombre de jours de l’année la masse d’eau pluviale qui tombe seulement pendant deux mois consécutifs. Non, la saison des pluies est déterminée par certains courants atmosphériques, et les arbres ne changeraient rien à cet ordre des saisons. Seulement ils auraient pour effet de servir de récipient à l’eau qui tourne à torrens aujourd’hui sur un sol dénudé, el qui aurait le temps de pénétrer la couche végétale si elle était reçue d’abord et pour ainsi dire tamisée par les branches et les feuilles des arbres abritant le sol.

Ce qu’il faut à l’Afrique, ce n’est pas l’ombre seulement, mais surtout les abris que donnent les frondaisons abondantes. C’est parce qu’il est le récipient et le régulateur de l’humidité atmosphérique, qu’on a dit de l’arbre qu’il était le père des sources. Aussi qu’on tienne pour certain que c’est l’insuffisance de la végétation forestière qui fait en Afrique l’insuffisance des cours d’eau et leur irrégularité. Cette insuffisance de végétation n’est pas un vice inhérent au sol africain, que Salluste à tort qualifie ainsi : Ager arbori infecundus. C’est là une erreur traditionnelle que les faits ont péremptoirement démentie dans ces derniers temps. Si le sol forestier s’est peu à peu appauvri en Afrique, c’est aux hommes seulement qu’il faut s’en prendre. N’oublions pas que les Arabes, comme leurs devanciers les Numides, sont un peuple nomade par excellence. Vivant sous la tente, ils n’ont jamais