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compris dans la liste des contrées européennes. On peut remarquer que l’empire russe occupe bien plus de la moitié du contour entier de la terre, et que, comme on l’avait dit autrefois de l’empire espagnol, le soleil ne se couche jamais pour lui. L’empire britannique peut prétendre aujourd’hui à la même distinction ; mais ce qui est particulier à l’empire russe, c’est la continuité de son territoire,


Où le milieu du jour arrive d’un côté,
Tandis que minuit sonne à l’autre extrémité,


ainsi qu’on l’écrivait récemment. La Sibérie, à peu près aussi vaste que l’Europe entière, fait à elle seule au moins la moitié de la portion nord des continens de l’ancien monde et du nouveau, situés à la même latitude qu’elle ; mais pour toutes ces régions également boréales, les influences météorologiques établissent des climats bien divers, et dont l’étude offre de curieuses particularités.

Remarquons d’abord que pour toutes les latitudes égales à celles de l’Europe et même un peu plus méridionales, le vent dominant est le vent d’ouest, qui apporte à l’Europe l’air chaud de l’Atlantique du nord. Tout le monde sait aujourd’hui que les courans des mers équatoriales, qui poussent incessamment les eaux chaudes des tropiques contre les rives du Mexique, occasionnent un contre-courant dirigé des États-Unis vers l’Europe, qui remplit d’eau tiède toute cette partie de l’Océan que traversent maintenant en peu de jours les puissans navires à vapeur de l’Union américaine, de l’Angleterre et de la France. L’air qui nous arrive constamment de l’ouest est donc exceptionnellement chaud, et il donne à notre Europe ce climat unique qui permet de cultiver l’orge et quelques céréales jusqu’au Cap-Nord, tandis que le Groenland, privé de ces haleines bienfaisantes, ne dégèle jamais, quoique il atteigne presque les latitudes du nord de l’Ecosse. Veut-on un autre exemple ? La belle, riche et savante ville de Boston, aux États-Unis, est à la même latitude où les oliviers sont cultivés en Espagne. Elle éprouve cependant des hivers qui, sur les étangs et les petits lacs d’alentour, font pénétrer la glace à un mètre de profondeur. Plus à l’ouest et presque dans le voisinage, les cinq grands lacs américains, véritables mers d’eau douce, gèlent profondément et portent l’hiver des chemins de fer improvisés, comme ils portent des vaisseaux pendant l’été. Quelle triste production que la glace auprès des vins et des huiles d’olive que le beau climat de Bordeaux et de l’Espagne fournit aux cultivateurs indolens ! Eh bien ! l’activité intelligente du citoyen des États-Unis a transformé cette glace même en une vraie récolte qui s’exporte dans l’Inde et dans les régions tropicales à un prix sans doute bien supérieur à ce que les Asturies retirent de leurs oliviers. Que