Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’instinct irrésistible de voir ce qu’on ne voit pas ordinairement a poussés au travers de tout le continent asiatique du nord, en partant de Saint-Pétersbourg et de Moscou pour arriver de l’autre côté, à Okholsk et à Pétropaulosk, sur les rivages de l’Océan-Pacifique. En même temps qu’il a vu ce pays autrement que dans les hôtelleries, il a noté plusieurs circonstances importantes relatives aux espèces végétales et animales qui peuplent la Sibérie et aux influences des saisons, qui se réduisent à peu près à un dégel de quelques mois, même dans les parties qui, comparées à l’Europe et situées à pareille latitude, sembleraient nourrir de nombreuses populations. Le nord de la Sibérie est trop voisin du pôle, le sud est perdu dans des montagnes qui en excluent les vents du midi, tandis que les vents chauds de l’ouest sont arrêtés par la chaîne de l’Oural. Tout contribue ainsi à détériorer le climat de cette triste région, dont la plus grande partie n’admet que des hordes errantes, aussi misérables que clairsemées sur un si vaste territoire. À mesure qu’en Sibérie l’on marche vers le nord, les subsistances végétales deviennent plus rares, et avec elles les maigres troupeaux abandonnent l’homme ; c’est le cheval qui les remplace, puis vient le renne ; enfin il ne lui reste que le chien, devenu animal de trait, et qui partage avec l’homme les produits de la pêche et de la chasse, auxquelles il n’a pas l’instinct de participer.

Pour embrasser l’ensemble des climats du nord, énumérons les diverses contrées de l’ancien et du nouveau monde qui viennent aboutir vers le pôle arctique. Si, en quittant Paris ou Londres, on marche toujours directement au nord, on arrive bientôt aux rivages de la mer dite Mer du Nord, et de là jusqu’au pôle on ne retrouve plus aucune terre. Cette partie de l’Europe est la seule qui ait autant de mer au-dessus d’elle. Au nord et à droite s’étendent la Norvège, la Suède, la Laponie et l’extrême Russie d’Europe, limitée aujourd’hui à la chaîne des monts Ourals, anciennement monts Riphées, qui se dirigent du sud au nord de la Mer-Caspienne à la Mer-Glaciale. Sur cette même Mer-Glaciale, une immense région, la Sibérie ou Russie asiatique, verse par de vastes embouchures des fleuves nombreux qui vont prendre leur source à des latitudes moins élevées que celles de la Belgique. Une chaîne continue de montagnes, celle de l’Altaï et de ses prolongemens vers l’est, borne la Sibérie au sud et la sépare du territoire chinois ; enfin cette terre atteint à l’orient le détroit et la mer de Behring en se repliant par la grande presqu’île du Kamtchatka. Pour terminer le contour du monde arctique, on suivra l’Amérique russe, qui a aussi la Mer-Glaciale au-dessus d’elle, le Canada anglais, situé de même, enfin le Groënland, séparé de l’Amérique par un large bras de mer, et que souvent on a