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nouveau. Ce serait une étrange erreur de croire que la révolution de février survenant en ce moment pût servir dans ses justes fins le mouvement italien. C’est le sort de cette révolution d’avoir tué toutes les causes qu’elle prétendait faire triompher, et d’en avoir fait prospérer quelques-unes auxquelles elle ne songeait pas. Elle ne pouvait en particulier que dénaturer le mouvement italien en faisant sortir la péninsule de ce que j’appellerai son r6le défensif vis-à-vis de l’Autriche.

Rester dans la stricte limite du droit, travailler à une transformation régulière et pacifique, environner l’Autriche au-delà des Alpes d’un cercle d’états indépendans, libres, de plus en plus habitués à identifier leurs intérêts et à combiner leur action, placer à côté de la Lombardie cette contagion permanente d’un esprit de sage progrès et d’une politique nationale, c’était certes la meilleure réponse à ce mot prononcé par M. de Metternich dans l’illusion d’un succès prolongé : « L’Italie n’est plus qu’une expression géographique ! » C’était réduire la domination étrangère à la plus cruelle extrémité, en la réduisant à l’alternative de vivre dans les conditions les plus précaires, ou de recourir à la force et d’avoir contre elle le droit et l’Europe constitutionnelle, gagnée au mouvement italien. La péninsule ne pouvait que perdre à changer d’attitude et à prendre elle-même l’offensive contre l’Autriche par l’insurrection ou par la guerre, à la faveur de l’un de ces événemens imprévus qui ne sont souvent qu’un grand piège pour les peuples. Pour avoir trop compté sur la diversion puissante des révolutions qui ébranlaient l’Europe et l’empire autrichien, on a vu où on a été conduit. Il s’est trouvé un moment où les sentimens nationaux se sont réveillés aussi à Vienne, et où des voix ont crié à cette armée allemande livrée à elle-même sur l’Adige : « Dans ton camp est l’Autriche ! » Ce jour-là, l’Italie a eu à combattre quelque chose de plus qu’un maître despotique : elle s’est trouvée en face de l’orgueil d’un peuple blessé dans sa grandeur.

Les difficultés n’étaient pas moins graves vis-à-vis de la France. La révolution de février créait pour l’Italie plus de périls que d’avantages. Jusque-là, sans se rattacher absolument à l’influence française, le mouvement italien avait du moins trouvé en elle l’appui le plus efficace. La politique conservatrice de la France avait pu parfois froisser les Italiens en ne se prêtant pas à toutes leurs illusions ou à tous leurs vœux. Au fond, elle servait l’Italie dans ses intérêts les plus évidens ; elle pressait les princes de se rendre aux nécessités les plus manifestes du temps par des réformes prudentes, et elle disait aux peuples de se fier à leurs princes ; elle prêtait la force de son influence et de ses conseils à ce mouvement modéré qui était lui-même une nouveauté saisissante au-delà des Alpes, et dans ces termes elle promettait plus qu’un appui moral : elle y ajoutait l’assurance d’une