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Le parti de l’intervention était certain d’avance de l’appui de la Russie, mais il s’en fallait de beaucoup qu’il pût se tenir assuré de celui de l’Angleterre et de l’Autriche. Pour des motifs en partie différens, mais qui pouvaient tous être ramenés à une considération principale et dominante, la crainte de voir la France reprendre une action importante dans la politique européenne, ces deux puissances répugnaient également à ce qu’elle portât ses armes dans la Péninsule. Il y avait pourtant entre elles cette différence, que l’Autriche, gênée par le précédent de son intervention à Naples et par les argumens dont elle s’était servie pour obtenir en cette circonstance l’assentiment de l’empereur Alexandre, eût pu difficilement s’opposer d’une manière directe à la marche d’une armée française contre les révolutionnaires espagnols, et se trouvait réduite, pour y mettre obstacle, à la ressource des insinuations et des artifices, tandis que l’Angleterre trouvait dans les protestations formelles qu’elle avait faites contre les déclarations de Troppau un texte facile à concilier ses objections aux projets supposés de la France.

Dans ces graves conjonctures, le gouvernement britannique jugea que la présence du marquis de Londonderry était indispensable à Vérone, comme elle l’avait été aux congrès de Vienne et d’Aix-la-Chapelle. Il se disposait donc à partir pour le continent muni d’instructions qu’il avait rédigées lui-même, et qui lui prescrivaient de refuser son concours à toute intervention matérielle dans les affaires d’Espagne, lorsque le 12 avril 1822, dans un accès d’aliénation mentale dont ceux qui l’approchaient avaient déjà depuis quelques semaines reconnu les symptômes, il se donna la mort : il n’avait que cinquante-trois ans. Les fatigues excessives des négociations et des débats parlementaires auxquels il venait de prendre part contribuèrent sans doute à cette catastrophe ; mais, autant qu’on peut en juger par des révélations encore incomplètes, on doit en chercher la et immédiate dans de misérables tracasseries de cour.

On sait que la mort du marquis de Londonderry fut le signal d’un grand changement dans la direction des relations extérieures de l’Angleterre. S’il eût vécu plus longtemps, il est permis de croire qu’il se serait vu bientôt obligé ou de quitter les affaires, ou de faire un pas de plus dans la voie où l’avaient déjà fait entrer ses protestations contre les doctrines proclamées à Troppau et à Laybach. Quelque attaché qu’il pût être, à raison de ses opinions personnelles et des souvenirs sur lesquels se fondaient son importance et sa renommée, à la grande alliance qui gouvernait l’Europe depuis 1814, il ne lui eût pas été possible, à lui ministre de la libre Angleterre, de continuer à en faire partie alors que cette alliance, pour