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tantôt d’autres influences, jamais elle ne dément, par un revirement absolu, son génie propre et ses origines. Malgré la similitude extérieure qui existe entre les types et les reproductions, il y a toujours dans celles-ci quelque chose de foncièrement indépendant, quelque forte empreinte du goût national. Ainsi les paysages peints par les maîtres français du XVIIe siècle témoignent d’assez larges emprunts faits au Dominiquin et aux Carrache ; cependant, tout en rappelant les formes du style bolonais, l’art de Poussin, de Gaspard Dughet, de Claude Lorrain, n’a-t-il pas une animation et pour ainsi dire une vie morale qui manquent à l’art dont il procède ? Il en est de même dans un autre ordre de peinture et dans une série d’ouvrages inspirés par de plus humbles modèles. Nos peintres de genre se sont formés à l’école des peintres hollandais et flamands ; ne faut-il pour cela voir en eux que des copistes, et n’ont-ils pas amplement suppléé à ce que les travaux de leurs maîtres pouvaient laisser de vide ou d’insuffisant pour l’esprit ? À coup sur, les petites toiles de Metsu, de Terburg, de Téniers et de bien d’autres peintres du même pays sont, au point de vue de l’exécution, de véritables chefs-d’œuvre : elles méritent d’être proposées à l’étude à titre d’images merveilleusement fidèles, et les « magots » que Louis XIV jugeait avec raison peu propres à orner un palais trouveront utilement leur place dans les musées et dans les galeries ; mais, en dehors de la leçon technique, quel profit peut tirer le spectateur de l’art compris et pratiqué ainsi ? Les peintres français, en choisissant à leur tour dans la vie familière leurs sujets et leurs modèles, n’étaient pas gens à se contenter de cette exactitude de procès-verbal. Là, comme ailleurs, ils n’entendaient admettre le fait qu’en se réservant de l’interpréter, ils se refusaient à circonscrire l’art dans les limites étroites de l’imitation littérale. Parfois, il est vrai, la méthode d’interprétation tourne à l’abus, et dégénère, sous couleur de sentiment, en dérèglement pittoresque : les tableaux qu’ont laissés Watteau et son école ne se distinguent pas, on le sait de reste, par une irréprochable correction, et les négligences qui les déparent font d’autant mieux ressortir la perfection du faire dans les tableaux hollandais ou flamands ; toutefois n’accusent-ils pas aussi clairement l’insignifiance radicale de cette peinture matériellement si châtiée, et, défauts pour défauts, lesquels doit-on le plus aisément pardonner, de ceux qui, résultant de la vivacité de l’esprit, ne sont inhérens qu’à la forme, ou de ceux qui, sous une forme accomplie, trahissent l’infirmité du goût et l’impuissance de la pensée ?

D’ailleurs, même en ce qui concerne la partie matérielle de l’art, il ne serait guère juste de sacrifier indistinctement aux peintres des Pays-Bas tous les peintres de genre appartenant à notre école. Plusieurs