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qu’elles suffisent pour généraliser dès à présent la connaissance précise des principes auxquels ont obéi les peintres de notre pays.

L’histoire de l’art en France soulève deux questions particulièrement dignes d’étude : — quelles sont les qualités distinctives de notre école ? — depuis quand avons-nous une école, et quelles périodes diverses peut-on distinguer dans son développement ? — C’est sur ces deux questions que nous interrogerons les auteurs des récens travaux sur la peinture française, et que nous présenterons aussi nos propres vues. Ce sera le moyen d’indiquer à la fois les conditions qu’on n’a pas suffisamment remplies dans les ouvrages publiés, et les exigences légitimes auxquelles des travaux plus complets devraient satisfaire.


I

On n’a jamais contesté à la France la gloire d’avoir produit de grands peintres, mais on a dit maintes fois et l’on répète encore que la peinture française, envisagée en général, manque d’unité et de tendances originales. Suivant l’opinion accréditée au XVIIIe siècle par Watelet et acceptée de nos jours en vertu d’une certaine inclination à sacrifier de trop bonne grâce les mérites qui nous appartiennent, l’art n’aurait en France qu’une physionomie d’emprunt, sinon même une physionomie négative. Notre école n’offrirait qu’une succession d’œuvres plus ou moins conformes aux exemples des autres écoles, une série de talens diversement influencés selon le goût de chaque époque, mais au fond sans foi traditionnelle, sans principes fixes et sans lien commun ; en un mot, ce qui la caractérise serait, pour ainsi parler, l’absence de tout caractère distinctif. Qu’on examine pourtant cette suite d’œuvres en désaccord au premier coup d’œil, on verra qu’en dépit de formes volontiers variables la peinture française a, elle aussi, ses immuables instincts, ses élémens et sa vie propres, et que la lignée de nos artistes est bien d’origine nationale et légitime, quoique certains traits de ressemblance accusent ça et là des alliances étrangères ou de secrètes affinités.

Certes, s’il fallait diviser les peintres de tous les temps et de toutes les écoles en deux classes seulement, — les dessinateurs et les coloristes, — on rattacherait à l’un ou à l’autre de ces groupes les maîtres français et leurs élèves plus malaisément que les peintres d’aucun pays. Leurs efforts n’ont pas pour objet unique ou cette fermeté dans la forme, beauté principale des productions florentines et romaines, ou cette science de l’harmonie qui fait la puissance des Vénitiens et des Flamands. L’école française d’ailleurs n’a ni le génie ouvertement