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provisions ; il y a aussi de nombreux esclaves à la nourriture et à la santé desquels il faut pourvoir, des servantes à faire filer, l’ameublement ou plutôt les ustensiles d’une grande maison à tenir en état, car dans la maison antique telle que Xénophon la décrit, tout est pour l’utilité et rien pour le luxe : tout cela encore dépend de la femme. Ischomaque enfin conclut, par ces belles et graves paroles, son entretien avec sa femme, ou plutôt sa leçon, comme dit Socrate : « Tout ce qui est conforme aux facultés que le ciel a départies aux deux sexes est honnête et beau. Il est en effet honnête pour une femme de garder la maison plutôt que de s’absenter souvent, de même qu’un homme renfermé chez lui est bien moins à sa place que lorsqu’il est occupé des affaires du dehors… Ma femme, regarde-toi donc comme la conservatrice des lois de notre ménage… Reine de ta maison, use de tout ton pouvoir pour honorer et louer ceux qui le mériteront, pour réprimander et châtier ceux qui rendront ta sévérité nécessaire. »

La femme d’Ischomaque, qui a sacrifié aux dieux avec son mari pour en obtenir la grâce de bien comprendre les devoirs qui lui sont révélés, ne demandera pas assurément quelle sera pour elle la récompense de tant de laborieuses fonctions soigneusement accomplies. Peut-être serons-nous tentés de le demander à sa place. Ecoutons encore Ischomaque : « La plus douce de tes jouissances, dit-il à sa femme, ce sera quand, devenue plus parfaite que moi, tu trouveras en moi le plus soumis des époux ; quand, loin de craindre que l’âge n’éloigne de toi la considération, tu sentiras au contraire que plus tu te montreras bonne ménagère, gardienne vigilante de l’innocence de nos enfans, plus tu verras, avec les ans, s’accroître les respects de toute la maison. »

Ce que je veux remarquer ici, c’est bien moins le goût que l’antiquité a du ménage que le devoir qu’elle impose au mari d’être l’instituteur de sa femme dans l’art de conduire et de gouverner une maison. Ce préceptorat oblige le mari à veiller soigneusement sur lui-même et à faire son éducation en même temps qu’il fait celle de sa femme. Tel est en effet l’avantage de l’éducation d’autrui qu’il faut en même temps que nous fassions la nôtre, et que le maître s’instruit et s’élève du même coup que le disciple.

Après l’éducation de la femme vient l’éducation des enfans, qui ne demande pas moins de soin sur nous-mêmes. L’homme a fait son éducation comme mari ; il faut qu’il la fasse comme père, et ne croyez pas que, si Dieu a attaché un devoir à chaque saison de la vie, il ait négligé de nous donner des secours pour accomplir ces devoirs. Les secours que Dieu nous donne dans nos devoirs ne sont pas seulement utiles, ils sont gracieux ; ils ne donnent pas seulement la force, ils