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ce fait ? Le ministère, au contraire, n’appartenait à aucun parti ; il avait été formé justement et il se maintenait avec l’appui de toutes les opinions par suite d’une sorte de trêve tacite. Sa grande raison d’existence, c’est que le parti libéral et le parti catholique sont dans un tel rapport de forces, qu’aucun d’eux ne pourrait gouverner. Le cabinet a pu éprouver des échecs, mais ces échecs n’avaient point une portée politique telle qu’il dût résigner le pouvoir ; il faut donc chercher ailleurs la cause de la démission du cabinet de Bruxelles. On a dit d’abord que c’était en raison de la situation difficile qu’il s’était faite par l’éloignement d’un réfugié un peu trop ostensiblement enregistré au Moniteur belge ; mais cette cause même ne paraît point la seule. Un autre motif indiqué ne laisse point d’être étrange. On dit en effet que la démission des ministres belges a été déterminée par la visite de courtoisie que le roi Léopold se propose de faire à l’empereur au camp de Boulogne. Le cabinet de Bruxelles aurait considéré cette visite comme une atteinte portée à la neutralité belge. Le roi Léopold n’en a pas moins persisté, et le cabinet a donné sa démission. À vrai dire, on peut se demander en quoi la neutralité belge, que les ministres ont grande raison d’ailleurs de prendre au sérieux, serait violée par une visite au camp de Boulogne. Quoi qu’il en soit, la retraite du cabinet paraît devoir être définitive ; elle semble d’autant plus définitive que depuis quelques mois les embarras intérieurs du ministère se sont singulièrement compliqués. Qui lui succédera ? La difficulté est là dans l’état actuel des partis. Les maîtres de la situation sont un certain nombre de députés qui, d’après leurs antécédens, peuvent se porter vers l’un ou l’autre côté. Ce sont ces députés qui ont déjà contribué au bouleversement du cabinet de M. Rogier ; mais s’ils peuvent empêcher toute combinaison, ont-ils eux-mêmes les moyens d’entrer au pouvoir ? Ces diverses questions seront prochainement résolues sans doute.

Le Danemark comptait depuis 1849 parmi les états constitutionnels. Cette place qu’il a occupée honorablement, est-il bien sûr qu’il la conserve encore après l’acte qui vient de s’accomplir récemment ? Le 26 juillet, le roi Frédéric VII, sur l’avis motivé de ses ministres, a octroyé une constitution commune pour toutes les parties de la monarchie danoise, et par cet acte d’autorité absolue se trouve modifiée et presque annulée la constitution libérale dont ce même roi avait doté le Danemark le 5 juin 1849. Peut-être se rappelle-t-on comment s’est développée cette situation d’où est sorti une espèce de coup d’état. Les difficultés tiennent surtout à la nature mixte de la monarchie danoise, divisée en plusieurs états et même plusieurs nationalités. Il en résulte une peine extrême pour arriver à combiner ces divers élémens, le Holstein, le Slesvig et le Danemark. En 1848, le Danemark avait à défendre ses possessions contre l’invasion du germanisme, et il y réussit ; mais, après avoir réussi à se défendre par les armes, il ne put arriver également à se préserver de l’intervention de la diplomatie allemande et russe. Or là était le danger. Le Danemark était devenu un état constitutionnel, et l’intervention de la Russie et de la Prusse ne pouvait avoir qu’un sens absolutiste. La diplomatie allemande ne poussait pas à l’abolition de la constitution dans le Danemark proprement dit, mais elle ne voulait pas que les institutions libérales fussent également appliquées au Slesvig et au Holstein. Il fut réglé en