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pêche, les grandes îles fournissent encore des bois abondans et les produits d’une agriculture assez importante. Les bois, il est vrai, menacent, dit-on, de s’épuiser par suite de coupes imprévoyantes ; mais les insulaires en exportent encore une grande quantité jusque sur les rivages du sud-est de la Baltique, et depuis quelques années jusqu’en Danemark et en Allemagne. Outre ces abondantes ressources, l’exportation du fromage et celle du beurre sont depuis longues années une source de grands profits pour les habitans des Åland, et prouvent que ces îles, surtout la plus grande, que nous occupons aujourd’hui, ont de bons pâturages et du bétail. En effet, pour peu que l’on pénètre dans l’intérieur de cette île, on reconnaît un pays moins désolé que ne le ferait croire l’aspect du promontoire où est située la citadelle de Bomarsund. Le sol, généralement argileux, s’y cultive aisément ; les grains y sont d’un bon rapport ; les prairies donnent aux bestiaux une bonne nourriture ; la flore est presque la même que celle du sud de la Suède ; l’orme, l’alizier, l’érable, le tremble et le chêne y viennent à l’état sauvage, ainsi qu’une espèce particulière de sorbier, sorbus alandica ou kastelholms-roennen, qu’on trouve au milieu des belles ruines de Kaslelholm, un peu à l’ouest de Bomarsund. On a reconnu enfin la présence de plusieurs minerais dans les îles d’Åland ; toutefois le gouvernement russe, après avoir entrepris, il y a quelques années, une exploitation dans l’île de Soedoe, au sud de l’archipel, l’a promptement abandonnée faute d’en tirer assez de profit.

Les îles d’Åland n’offrent pas seulement en temps de guerre une base d’opérations utile, des dépôts et des ports excellens cachés à l’ennemi ; elles ont eu encore, par leur position même, une véritable importance historique. Elles ont été comme un pont jeté par la nature entre deux pays, la Suède et la Finlande, qu’elle voulait unir, et que la violence seule des hommes a séparés. C’est par ce grand chemin que les Suédois ont apporté la civilisation chrétienne aux Finnois, en reléguant vers les extrémités septentrionales les restes sauvages des Lapons. Depuis la fin du XIIe ou le commencement du XIIIe siècle, la Finlande et les îles d’Åland sont devenues suédoises, et si la nationalité finlandaise, s’est encore conservée dans l’intérieur du pays, il n’en a pas été de même dans les Åland, qui ont accepté entièrement la civilisation et la langue de la Suède. Ces îles dépendirent sans doute d’abord du diocèse d’Upsal, d’où leur était venu le christianisme ; mais, dès le XIVe siècle, on voit leurs chefs spirituels subordonnés à l’évêché d’Abo, plus voisin encore, et leurs chefs militaires ou civils recevoir des ordres immédiatement de Stockholm. Le lieutenant ou gouverneur [stat hallare) habitait dans le château de Kastleholm ; il était nommé et révoqué par le roi de Suède. L’archipel fut d’ailleurs souvent donné en fief à quelqu’un des membres de la famille royale ; on le réservait particulièrement aux reines veuves. En 1590, Jean III l’érigea en comté au profit de son fils, et, au commencement du XVIIe siècle, vers 1634, l’administration militaire, ecclésiastique et civile fut rattachée définitivement à la province finlandaise d’Abo. Au milieu de ces changemens, les Åland avaient conservé une sorte d’indépendance nationale dont elles ont encore quelques souvenirs. Leurs armoiries représentent un élan avec un anneau passé autour du cou, sur champ d’azur, et le sceau du