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l’ensemble de leurs combinaisons politiques, et, peu soucieuses de l’opinion publique indignée, elles faisaient même tout ce qui était en leur pouvoir pour hâter ce résultat. Le plus parfait accord régnait à ce sujet entre les deux cabinets. Le roi d’Angleterre étant allé, au mois d’octobre, visiter ses états continentaux, et lord Castlereagh (qui venait d’hériter de son père le titre et le nom de marquis de Londonderry) l’ayant accompagné dans ce voyage, M. de Metternich se rendit à Hanovre pour se concerter avec lui. Ils avaient espéré que l’empereur Alexandre, si enclin d’ordinaire aux délibérations communes et aux entrevues de princes et de ministres, voudrait prendre part à cette réunion, et ils comptaient beaucoup sur leur talent de persuasion pour le ramener à leur point de vue ; mais cet espoir fut trompé : Alexandre ne vint pas, et la négociation dut se suivre avec lui par écrit

Quelques mois auparavant, quinze jours avant la rupture des relations diplomatiques entre la Russie et la porte, le marquis de Londonderry, qui comprenait la gravité de la situation, avait cru devoir recourir, pour en conjurer les dangers, à une démarche en dehors des voies ordinaires de la diplomatie ; le 16 juillet 1821, il avait écrit à l’empereur de Russie une lettre ainsi conçue :


« Sire, lorsque je fus admis à prendre congé de votre majesté impériale ayant votre départ d’Aix-la-Chapelle en 1848, votre majesté voulut bien me permettre de m’adresser directement à elle toutes les fois que les intérêts de l’alliance européenne pourraient justifier l’usage que je ferais de cette autorisation. — En ne me prévalant pas jusqu’à présent de la gracieuse permission de votre majesté, j’ai prouvé que je n’étais pas disposé à abuser de ce témoignage si particulier de sa bienveillante confiance… — Pour me conformer aux ordres du roi mon souverain, et sous l’impression du sentiment profond de l’importance de la crise actuelle, j’ose m’adresser à votre majesté au sujet des affaires de Turquie, et je le fais avec d’autant moins d’hésitation que j’ai la conviction intime que quelque embarras que puisse éprouver votre majesté par suite de considérations locales et des dispositions de son peuple, le jugement qu’elle porte de ces déplorables complications est d’accord avec celui qu’en porte le gouvernement britannique, et que je suis également persuadé que votre majesté impériale, triomphant de tous les obstacles, suivra en définitive une ligne politique de nature à fournir une preuve nouvelle, mais non pas inattendue, de sa détermination de maintenir inviolablement le système européen tel qu’il a été affermi par les derniers traités de paix. J’ai la confiance que les terribles événemens qui affligent aujourd’hui une partie de l’Europe ne sont pas considérés par votre majesté comme constituant dans l’histoire du temps actuel, une question nouvelle et isolée. Ils ne proviennent pas exclusivement de la lutte des élémens inflammables dont se compose l’empire turc, mais ils forment une branche de cet esprit organisé d’insurrection qui se propage systématiquement à travers l’Europe,