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aux soins que la direction de l’assemblée des communautés occasionnait périodiquement au lieutenant-général du roi en Provence.

La principauté d’Orange, située sur la limite du Comtat Venaissin, appartenait, depuis des siècles, à des princes de la maison de Nassau. Guillaume d’Orange ayant, en 1673, confisqué le marquisat de Bergop-Zoom et plusieurs autres terres du comte d’Auvergne, Louis XIV fit don à celui-ci de la principauté d’Orange, et donna l’ordre au comte de Grignan de s’en emparer de vive force, si le commandant hollandais Berkoffer faisait mine de résister.

Sans troupes ni artillerie pour attaquer ce commandant, qui, abandonnant la ville à ses inquiétudes, s’était retiré dans la citadelle, le comte de Grignan fit un appel à la noblesse de Provence et du Comtat. Cinq cents gentilshommes accoururent ; il les renforça de deux mille soldats des galères, et marcha sur Orange. Le bruit s’était accrédité à la cour que la citadelle était imprenable. Suivant Mme de Sévigné, les ducs d’Enghien et de La Rochefoucauld assuraient même que le comte de Grignan échouerait, l’attaque d’une place de guerre exigeant des connaissances spéciales qu’il n’avait pas. Le 12 novembre 1673, la tranchée fut ouverte. Le marquis de Barbantane et M. de Ramatuelle, des plus anciennes familles de Provence, commandaient la noblesse du pays, impatiente de monter à l’assaut. Au troisième coup de canon, la citadelle se rendit sans avoir essayé de se défendre, et, conformément aux ordres du roi, fut immédiatement démolie. Ce facile succès donna lieu sans doute à quelque relation triomphante qui enivra Mme de Sévigné. « J’embrasse le vainqueur d’Orange, écrivit-elle à sa fille… - l’affaire d’Orange fait ici un bruit très agréable pour M. de Grignan. Cette grande quantité de noblesse qui l’a suivi par le seul attachement pour lui, cette grande dépense, cet heureux succès, car voilà tout, tout cela fait honneur et donne de la joie à ses amis, qui ne sont pas ici en petit nombre. Le roi dit à souper : « Orange est pris ; Grignan avait sept cents gentilshommes avec lui. On a tiraillé du dedans, et enfin on s’est rendu le troisième jour. Je suis fort content de Grignan[1]. » En réalité, les Hollandais n’avaient pas tiré un seul coup de canon, bien qu’ils eussent pu se défendre quatre mois, et de part et d’autre il n’y avait pas eu une égratignure. Le comte de Grignan avait paru, et la citadelle s’était rendue.

L’affaire du camp de Toulon fut autrement glorieuse pour lui. En 1707 (il comptait alors soixante-quinze ans), le duc de Savoie et le prince Eugène avaient envahi la Provence et menaçaient Toulon. Croyant que l’ennemi entrerait par le Dauphiné, le maréchal de

  1. Mémoires Walckenaër, t. IV, p. 36 et suiv.