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communes, les messieurs du parterre, comme on les appelait à cause de la place qu’ils occupaient dans la salle des séances, touchaient des gratifications votées par l’assemblée. Des frais de représentation étaient en outre accordés par les communes à leurs députés, qu’accompagnaient aux états des valets revêtus de la livrée de chaque ville. Puis, la session terminée, une députation, largement rétribuée, était chargée d’aller offrir au roi le don gratuit et de suivre à Paris les affaires de la province. Enfin les ministres eux-mêmes recevaient, le fait est constant, des gratifications des pays d’états. En 1700, Louis XIV autorisa le marquis de La Vrillière à accepter des gratifications que lui avaient votées les états de Languedoc, de Bourgogne, Bugey et Bresse. Sept ans plus tard, le comte de Pontchartrain toucha tout à la fois des gratifications des états de Bretagne, des assemblées du clergé et des compagnies du commerce. Ajoutons que le même ministre figurait dans les termes suivans sur un compte de dépense des états de Bourgogne en 1691 : « Il sera donné 6,000 livres à M. de Pontchartrain (alors contrôleur-général des finances), ainsi qu’elles ont esté payées à MM. Colbert et Le Pelletier[1]. »

Or le comte de Pontchartrain dont il s’agit ici écrivait, en parlant de la clôture des états, que c’était la fin de toutes agitations et de tout genre de chagrin pour un honnête homme. Il fallait que les sessions des états fussent, pour les ministres de Louis XIV, la source de bien des ennuis, pour que ces gratifications de 6,000 livres qu’ils recevaient de tous côtés n’en adoucissent pas un peu l’amertume. Malgré l’anathème jeté sur eux avec tant d’ingratitude par le comte de Pontchartrain, malgré leurs inconvéniens, leurs faiblesses et l’abus qu’ils faisaient des gratifications, les états offraient encore aux provinces qui en étaient dotées, notamment en ce qui touchait l’assiette et la répartition de l’impôt foncier, une garantie d’ordre, d’équité, de justice distributive que les pays d’élection leur enviaient avec raison. Sans doute, je l’ai déjà dit, l’institution était vicieuse ; mais elle était incontestablement moins fâcheuse que l’absence de contrepoids et de contrôle dont les généralités avaient tant à souffrir. En un mot, si l’on considère avec impartialité la situation de la France avant la révolution de 1789, on demeure persuadé que les pays d’états étaient relativement assez bien administrés, et que les plaintes y étaient moins générales, moins fondées que dans les pays d’élection. Cela répond aux griefs du comte de Pontchartrain et rend moins sévère à l’égard des abus dont son honnêteté savait si bien s’accommoder.

  1. Correspondance administrative sous Louis XIV, t. Ier ; introduction, p, 25.