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des mots, que la grande masse du public, trompée par les déclamations de l’opposition française, qui s’abusait peut-être elle-même, se persuada alors que le ministère de M. de Richelieu et de M. Pasquier connivait à l’alliance absolutiste, et que lord Castlereagh défendait la cause libérale !

Il ne faudrait pas conclure de ce que je viens de dire, pour expliquer les sentimens du cabinet de Londres et la conduite qu’ils lui inspirèrent, que ce cabinet approuvait au fond tous les procédés de la cour de Vienne. Sans doute il faisait des vœux pour le prompt succès de l’entreprise où elle s’engageait, mais quelques-uns des moyens auxquels elle avait recours pour préparer ce succès lui paraissaient bien tortueux, bien peu honorables, et il ne pensait pas qu’il fût à propos de rétablir purement et simplement à Naples le pouvoir despotique. Voici ce qu’on lit dans une lettre écrite par lord Castlereagh à lord Stewart le 5 janvier 1821 :


« Après toutes les déclarations et les rétractations du roi de Naples, si j’étais à la place de Metternich, je ne voudrais pas mêler ma cause au tissu de duplicités et de mensonges dont se compose la vie de sa majesté. Je suis de l’avis d’A’Court sur la position de ce prince et sur le peu de convenance qu’il y aurait à retourner à l’ancien système après tout ce qui s’est passé. Je pense encore que Metternich a fort affaibli sa position en rendant cette question européenne, au lieu de la faire purement autrichienne. Il aurait obtenu le même appui de l’Europe en fondant son intervention sur un motif beaucoup plus facile à comprendre. Il aurait eu bien plus sûrement pour lui l’opinion publique, surtout en ce pays, s’il s’était borné à alléguer le caractère hostile et offensif d’un gouvernement carbonaro contre tout état existant, au lieu de s’embarquer lui-même sur l’océan illimité où il a mieux aimé s’aventurer. S’il eût donné hardiment à son action des bases tout autrichiennes, et il en avait de bien fortes à alléguer, la Russie et la Prusse auraient infusé l’intérêt européen dans leurs déclarations d’adhésion sans délayer la question principale, au point de l’étendre jusqu’à leurs intérêts éloignés. Mais notre ami Metternich, avec tout son mérite, préfère une négociation compliquée à un coup rapide et hardi. »


Il y a certainement beaucoup de sens dans ces considérations, énoncées avec une profusion de métaphores par trop hibernienne. On pourrait cependant se demander si lord Castlereagh tenait suffisamment compte au ministre autrichien de l’importance qu’il y avait pour lui à capter l’empereur Alexandre et de l’impossibilité d’y réussir sans flatter ses manies de théories et de principes généraux.

Les travaux du congrès étaient terminés, les souverains et les ministres n’étaient plus retenus à Laybach que par l’attente des résultats de la marche de l’armée autrichienne dirigée sur le royaume de Naples, lorsqu’une nouvelle effrayante vint troubler la confiance et