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que M. de Loignac, qui resta longtemps, et après tous les autres, sur le terrain, pour attendre le dernier soupir de son adversaire, vit son fils et son petit-fils successivement tués en duel.

Je ne parlerai que pour mémoire de la rencontre entre Saint-Just et Fossé, qui se battirent à cheval et à l’épée : — Fossé, blessé, désarmé, fut très déloyalement tué par son adversaire ; — du duel de M. de Bréauté contre un Hollandais qu’il vainquit. Le combat fut de vingt contre vingt, et eut lieu auprès de Hertogen-Bosch ; les Français furent vainqueurs. Ce fut le premier exemple d’un duel au pistolet ; on se battit à cheval. Bréauté, après l’affaire, fut pris et tué par des soldats ennemis. Nous ne ferons aussi que rappeler, en passant, les duels de Villemur et de Fontaine en 1602, de Varaigne et de L’Artigue, même année, qui se tuèrent tous les quatre, ceux du comte de Saut avec Nantouillet, des barons de Bressieux et de Balagny, où les sieurs de Nantouillet et de Bressieux restèrent morts sur le terrain. Comme on le sait, sous Richelieu, les peines de plus en plus sévères de la loi contre les duels, souvent appliquées sans pitié, ne changèrent rien à l’état des choses, et l’on continua en France, malgré la loi, malgré le cardinal, malgré le bourreau, à se battre pendant toute la durée du XVIIe siècle.

Je n’ai voulu qu’indiquer quelques traits de l’histoire des combats singuliers dans notre pays, depuis la période carlovingienne jusqu’à la mort de Henri IV. De cette dernière époque à nos jours, il y aurait une très intéressante monographie à écrire ; mais les exemples que je viens de citer prouvent suffisamment que la suppression des combats judiciaires, déterminée sous Henri II par le duel de Jarnac et de Vivonne, eut de funestes conséquences. Cette décision, que le regret de la mort de son favori avait inspirée au roi, coûta bien cher à la France et fit couler à flots dans notre pays le sang le plus noble et le plus précieux. Pour en revenir à notre principale histoire, j’ajouterai que le chagrin de Henri II ne l’empêcha point de se faire sacrer quinze jours après le duel de Saint-Germain. Ayant eu l’idée tant soit peu originale d’inviter à son sacre Charles-Quint comme vassal de la couronne de France en sa qualité de comte de Flandre, l’empereur Charles, avec qui il ne fallait pas plaisanter, répondit qu’il y viendrait avec cinquante mille hommes. Peu s’en fallut qu’il ne tint parole.


Le Prince DE LA MOSKOWA.