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son propre original sain et entier, où est déclaré ce dont ledit de Vivonne se doit pourvoir au jour député pour combattre sur le différent d’entr’eux, ainsi qu’il a esté ordonné par le roy, Lequel de Vivonne m’a fait response que sans préjudice de ses droits il accepte le contenu desdits articles cy-dessus transcrits, desquels je luy ay fait lecture de mot à mot, en présence de monsieur le baron de Curton et plusieurs autres gentilshommes, et spécialement de Guillaume Payen et Jean Trouvé, notaires royaux de Paris.

« Fait les jours et an que dessus par moy héraut susdit ; — signé Engoulesme. Et lecture faite de la lettre, ledit Vivonne m’a dit seulement ces mots : « Jarnac veut combattre mon esprit et ma bourse ! »

Vivonne faisait allusion à l’énormité des dépenses où allait l’entraîner l’obligation de se pourvoir des chevaux, harnais et armes diverses que le commandement de Monlieu lui enjoignait de se procurer. Jamais ses ressources n’y auraient pu suffire, si le roi, dont il s’était, au vu de tous, constitué le champion, n’était venu à son secours.

Déjà, un mois ou cinq semaines avant le duel, La Chasteigneraye ne sortait jamais sans être accompagné de cent ou cent vingt gentilshommes portant ses couleurs. « Il faisoit, dit Vieilleville, une piaffe à tous odieuse et intolérable, et une dépense si excessive, qu’il n’y avoit prince à la cour qui le pût égaler ; elle montoit à plus de 1,200 écus par jour. Heureusement pour lui que le roi, qui l’aimoit, lui en avoit donné les moyens. » Quant à Jarnac, au lieu de parader, il écoutait les conseils du capitaine Casi, fort expérimenté en fait de duels, et comme l’événement l’a prouvé, il s’en trouva bien. C’est sur l’avis du capitaine et de son maître d’armes qu’il obligea au dernier moment Vivonne à mettre au bras gauche (celui du bouclier) un brassard qui empêchait absolument ce bras de plier, « ains le faisoit tenir roide comme un pau[1]. » Vivonne, ayant été blessé au bras droit, dont il souffrait encore, perdait ainsi tout moyen de lutter avec Jarnac et de le terrasser. Le comte Martinengo, en se battant sur le pont du Pô contre un autre officier italien, avait introduit la même clause dans le combat.

Le jour de la rencontre fut fixé au 10 juillet. Les deux adversaires durent d’abord choisir leurs parrains. Chose à noter, Vieilleville nous apprend que le roi ne voulut pas permettre à M. de Vendôme d’être celui de Jarnac. M. de Boisy, grand écuyer, le remplaça. Le comte d’Aumale secondait La Chasteigneraye. Les confidens de celui-ci furent M.M. de Montluc, d’Aurielle, de Fregozzi et le comte Berlinghieri ; ceux de Jarnac, M.M. de Clervaut, de Castelnau, de Carrouge et d’Ambleville.

  1. Pau, pal, signifie pieu, colonne ; c’est un terme de blason.