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même temps l’évocation des institutions de 1356. Les égoïstes conseillers de ces restaurations impuissantes n’avaient ni le bon sens de penser, ni le courage de dire que dans l’ancien empire germanique c’étaient les princes qui choisissaient l’empereur, tandis que dans la monarchie napoléonienne c’était l’empereur seul qui faisait et défaisait les princes, de telle sorte que l’un représentait une société tout entière dans la plénitude de sa vie, dans l’infinie variété de ses intérêts et de ses croyances, pendant que l’autre, incertaine comme la victoire et passagère comme le succès, ne représentait malheureusement qu’un grand homme dans la mobilité de ses volontés et de ses passions. Ces insinuations, accueillies par un esprit qui avait plus l’instinct du grand que celui du vrai, conduisirent à cette combinaison de rois vassaux, dignitaires de l’empire français et tenus d’y accomplir certaines fonctions ou d’y remplir certaines charges, gages de leur dépendance et de leur indélébile nationalité. À ces souverains qui devaient supporter aux yeux de leurs peuples toute la responsabilité d’un pouvoir placé en dehors de leur initiative, on imposait des vassaux français qu’ils avaient charge de doter sur leurs domaines territoriaux, et ceux-ci recevaient à leur tour mission de les maintenir par la solidarité des mêmes intérêts dans les voies d’une inviolable fidélité à leur commune patrie et à l’auteur de leur commune fortune.

L’Autriche, par la Dalmatie et par le Frioul, l’Italie, par tous ses établissemens princiers, la Prusse, par ses territoires de Berg et de Clèves, la Suisse elle-même, par Neuchâtel, concoururent à former cet empire que nous verrons après Tilsitt s’étendre sur l’Espagne, après Wagram se dilater jusqu’à Hambourg. Les populations de toutes langues et de toutes races admises dans son sein souffraient bien moins d’ailleurs que celles dont les dépouilles l’avaient formé, et dont les contributions de guerre alimentaient incessamment ses finances, aucune compensation n’était donnée à celles-ci pour leurs humiliations et leurs sacrifices, tandis que celles-là en trouvaient du moins de véritables dans les réformes administratives et les progrès matériels presque partout accomplis, et dans les inspirations fécondantes du génie qui rayonnait sur toutes les parties de ses domaines comme le soleil sur l’ensemble du système dont il est le centre et la vie.

Mais s’il est donné aux grands hommes de violenter la nature pour un jour, c’est sous la condition de lui payer bientôt des réparations éclatantes. Or les adjonctions territoriales opérées par la France au-delà de ses limites naturelles, qu’elles fussent directes ou déguisées sous l’apparence du vasselage, outrageaient l’essence même des choses, et le bien-être de quelques réformes disparaissait devant