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« À Fontevrault, ce 3e de janvier[1]

« … Vous m’avez fait un plaisir sensible de vous estendre un lieu sur la dévotion de Mme de Thianges. Il me paroit, de la manière dont vous en parlez, qu’elle pourroit estre très solide, si elle quittait la cour ; mais je ne puis croire, non plus que vous, qu’on puisse soutenir dans ce pays-là une vie aussi austère que le doit estre celle des véritables chrestiens, surtout de ceux qui, ayant été engagés dans le monde, doivent songer à faire une sérieuse pénitence. Je pense, madame, que vous et M. de Tréville lui aurez souvent presché cette vérité, et que bientôt elle la mettra en usage. Je trouve qu’elle n’est pas à plaindre d’avoir de tels directeurs ; car, madame, je vous mets de ce nombre, et je sais bien que personne ne peut mieux que vous persuader de bien faire. J’ai ouï parler aussi il y a longtemps du mérite de M. de Tréville ; je l’ai même vu une fois ou deux pendant que j’estais à Paris. Je ne soupçonnois point du tout alors qu’il pust estre à deux ans de là le directeur de Mme de Thianges ; mais Dieu change les cœurs quand il lui plaist, et je me réjouis bien quand j’appris l’année passée cette célèbre conversion. Je suis ravie, madame, que ma sœur soit assez heureuse pour estre tout à fait bien avec vous. Je lui envie furieusement le plaisir qu’elle a de vous entretenir quelquefois, et je voudrais au moins que vous voulussiez vous souvenir de moi quand vous estes ensemble. Croyez qu’il ne se peut rien adjouter à l’admiration que j’ai pour vous, et puisque vous voulez que je vous traite familièrement, je vous aimerai avec toute la tendresse et la fidélité possibles. »


Mais quittons Port-Royal, les Carmélites et Fontevrault pour revenir à la société mondaine de la marquise de Sablé. Nous avons déjà fait connaître plusieurs des femmes qui en faisaient l’ornement, Mme de La Fayette, la duchesse de Schomberg, la duchesse de Liancourt, la princesse de Guymenée, la comtesse de Maure, Mme de Choisy, Mme de Montausier. À ces nobles dames il en faut ajouter bien d’autres dont nous trouvons des lettres plus ou moins nombreuses dans les portefeuilles de Valant : la petite-fille de Mme de Sablé, la maréchale de Rochefort, spirituelle et jolie, mais un peu plus que légère, et que Saint-Simon n’a pas ménagée[2] ; la marquise de Gouville, dont on peut voir le portrait parmi les Portraits de Mademoiselle et les premières aventures dans les Mémoires de Lenet, fille aînée du comte de Tourville, premier gentilhomme de Condé et l’un de ses meilleurs officiers, qui le suivit sur tous les champs de bataille, et préluda dignement à la gloire de l’un de ses enfans, le grand amiral de Tourville ; la maréchale de La Mothe-Houdancourt, Louise de Prie, marquise de Toussy, qui, après Mlle du Vigean, toucha un moment encore le cœur de Condé[3], aussi vertueuse

  1. Tome VII, p. 443.
  2. Tome Ier, p. 30, etc.
  3. Mme de Motteville, t.1er, p. 419.