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vingt ans, en 1665 ; elle fut nommée abbesse de Fontevrault en 1670, ayant à peine vingt-cinq ans, et elle y mourut en 1704. Il paraît que le goût des lettres anciennes et de Platon était héréditaire dans la famille, car Huet nous raconte qu’étant aux eaux de Bourbon avec l’abbesse de Fontevrault et sa nièce, Marie-Elisabeth de Rochechouart, une des filles du duc de Vivonne, devenue depuis la marquise de Castries, dame d’atours de la duchesse d’Orléans, il trouva la nièce tout aussi savante que la tante, et la surprit un jour lisant en secret un livre qu’elle s’efforça de cacher et qui était un volume de Platon. Ils lurent ensemble le Criton, et Huet ne sut qu’admirer le plus de son intelligence ou de sa modestie[1]. Mme de Sévigné, aussi sévère envers ceux qu’elle n’aime pas qu’indulgente pour ceux qui lui plaisent, et qui ne pouvait souffrir tout ce qui tenait à Mme de Montespan, dit avec sa malice accoutumée : « L’abbé Testu la gouverne fort[2]. » L’abbé Testu ne la gouvernait point, et l’agréable commerce qu’ils avaient ensemble, et que Mme de Sévigné relève en divers endroits avec une affectation marquée, était tout aussi public et aussi innocent que celui de Mme de Sévigné avec Corbinelli, de Mme de Sablé avec Esprit, de Mme de La Fayette avec Ménage[3]. La nièce de Mme de Maintenon a peint avec beaucoup plus de vérité et de justice la sœur de Mme de Montespan : « On ne pouvoit, dit Mme de Caylus dans ses Souvenirs[4], rassembler dans la même personne plus de raison, plus d’esprit et plus de savoir ; son savoir fut même un effet de sa raison. Religieuse sans vocation[5], elle chercha un amusement

  1. Huetii Commentarius de rébus ad eum pertinentibus. Amstelodami, MDCCXVII, p. 380.
  2. Édition de Monmerqué, t. III, p. 295.
  3. Jacques Testu, de l’Académie française, abbé mondain, fort lié avec les dames les plus célèbres de son temps, non-seulement avec l’abbesse de Fontevrault et ses deux sœurs, mais avec Mme de Sévigné elle-même, et surtout avec Mme de Maintenon, sur laquelle il avait beaucoup de crédit. Malgré toutes ces belles protections, ses stances chrétiennes et ses fréquentes retraites à la Trappe et à Saint-Victor, Louis XIV ne voulut jamais le faire évêque, trouvant qu’il ne se conduisait pas assez bien lui-même pour conduire les autres.
  4. Souvenirs, édition de Renouard, p. 116.
  5. Voyez, la note de la page précédente, qui contredit formellement et peut expliquer ce bruit assez répandu.