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il n’en fallait pas davantage pour que l’argent de France allât remplacer l’or californien.

La Grande-Bretagne est moins exposée que les autres pays à une perturbation monétaire ; l’or y est la seule mesure des valeurs et à peu près le seul élément de circulation, et son évaluation légale est si basse, qu’elle est encore inférieure au prix du commerce international. L’argent n’est admissible dans les paiemens que jusqu’à concurrencé de 60 francs. Il résulte de ces dispositions que jusqu’à présent on n’a aucun intérêt à attirer l’or, si ce n’est pour le revendre avec bénéfice aux étrangers. Dans le système anglais, le monnayage de l’argent étant désavantageux aux particuliers (en raison de l’impôt dont il est grevé), c’est presque toujours le gouvernement qui, par l’intermédiaire de la Banque, se charge de pourvoir le commerce de menue monnaie. Les sacrifices qu’il est obligé de faire pour cela deviennent de jour en jour plus onéreux : les petites pièces blanches que la banque d’Angleterre verse par millions dans le public disparaissent ; les échanges minimes qui font vivre la multitude sont entravés. M. Stirling pense que, pour arrêter l’exportation de la monnaie d’argent, on sera bientôt forcé de réduire ; le poids des pièces comme aux États-Unis, et de déclarer que l’argent cesse d’être monnaie légale au-dessus de 25 francs seulement.

La réforme monétaire opérée dans les Pays-Bas était décidée en principe bien avant la découverte de la Californie. Lorsque la Hollande était réunie à la Belgique, chacune des provinces du nord s’était réservé le droit de frapper sa monnaie, et les provinces du midi avaient adopté la monnaie française ; de là une circulation composée de pièces disparates, souvent usées ou falsifiées. Le commerce réclamait un système uniforme et normal. Cette grande opération, dont nous regrettons de ne pouvoir exposer les détails[1], fut exécutée avec la ferme sagacité qui distingue les actes économiques du gouvernement hollandais. Le nouveau système a pour unité le florin d’argent (valeur exacte, 2 francs 10 centimes) ; l’argent seul est monnaie légale. Les pièces d’or ne sont plus considérées que comme deniers de commerce. La légende indique leur poids et leur titre, mais non plus leur valeur monétaire ; ce ne sont plus des billets signés et garantis par l’état, mais des marchandises destinées à circuler suivant leur cours commercial. Le système hollandais est le

  1. On les trouve dans un excellent livre publié récemment à Utrecht : Le Système Monétaire du royaume des Pays-Bas, par M. Vrolik. Président de la commission des monnaies, l’auteur expose avec lucidité la double réforme dont il a été un des principaux agens, la refoute des vieilles monnaies d’argent et la démonétisation de l’or. Il faut garder souvenir du livre de M. Vrolik : bien des pays auront sans doute à consulter l’expérience de cet habile administrateur.