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négocians de Londres seront couverts des avances faites à leur colonie, où l’or en un mot, au lieu d’être humblement sollicité, sera une marchandise réduite à s’offrir contre toutes sortes de marchandises. Dire que les capitaux ne seront jamais trop abondans et qu’on en trouvera toujours l’emploi, c’est se faire illusion sur l’essence du capital. L’or et l’argent sont des capitaux sans doute, mais d’une nature particulière. Qu’on découvre un grand gisement de houille et qu’on se mette à échanger du charbon contre de la toile, il en résultera au bout de vingt ans que des quantités considérables de combustible et d’étoffes auront été consommées au grand avantage des populations ; les deux marchandises produites et échangées auront été anéanties. Qu’on trouve au contraire 1 milliard d’or chaque année, il y aura vingt ans après 20 milliards de plus dans le monde commercial. Vous réunissez 100 millions en espèces pour construire un chemin de fer. Vous allez enfouir, quoi ? -De l’or ? — Non, du sable, du bois, des pierres, du fer. Quand l’œuvre sera terminée, l’or se dégagera de lui-même, et pourra servir à construire successivement dix autres chemins de fer. Pour que l’or ne se dépréciât pas, il faudrait que les besoins de numéraire (et non de capital) se multipliassent dans le monde à mesure que le métal monétaire s’y accumule.

M. Stirling fait remarquer (et cette démonstration est l’originalité de son livre) que la dépréciation des métaux précieux est déterminée moins par les quantités extraites que par la réduction des prix de revient. Supposons qu’il faille dépenser en moyenne 3,200 fr. dans une campagne pour réaliser un kilogramme d’or qui vaut en Europe 3,444 fr. au plus : les prix consacrés seront à peine influencés ; mais, que la dépense individuelle soit abaissée à 1,500 fr., et aussitôt la concurrence qui s’établira entre les mineurs pour écouler leurs trouvailles déterminera une forte baisse. À en juger par le régime actuel des nouveaux pays aurifères, l’or qu’on y recueille coûte encore assez cher. Le travail est grevé par le prix excessif des alimens, par la cherté des transports, par l’intervention suspecte des usuriers et des entremetteurs : mais la réduction de toutes ces charges est inévitable. Les colons bien avisés se livreront aux travaux agricoles, plus sûrement lucratifs que la recherche de l’or. On ne tardera pas à perfectionner les moyens de transport et de communication. On trace, dit-on, en Californie un chemin de fer qui doit aboutir de San-Francisco aux pentes occidentales de la Sierra-Nevada, centre de l’industrie minière. Des projets analogues sont à l’étude en Australie. En un mot, ce qui s’est fait et ce qui se prépare semble autoriser l’opinion par laquelle M. Stirling résume son livre : » Nous voyons notre richesse métallique recevoir des accroissemens inouïs dans l’histoire,