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Mont-Alexandre, qu’on néglige parce que les eaux y sont rares et mauvaises, les mineurs se sont précipités sur d’autres gisemens dont on dit des merveilles. Ballarat, Bendigo, Eureka, le ravin d’Adélaïde, la plage de Koorong, déserts malsains où l’on est à peine abrité sous de mauvaises lentes, sont devenus, depuis un an, des centres de population plus opulens que beaucoup de vieilles cités européennes. « Ballarat, écrivait-on récemment au Standard de Londres, est un plateau d’or. » — « Trois hommes, ajoutait l’Economat, viennent d’y trouver en six jours 192 livres pesant, » c’est-à-dire 240,000 fr. Écoutez maintenant le Times : « Il y a dans le voisinage de Forest-Creeck (à 15 kilomètres d’Adélaïde) un terrain plat qui vient de conquérir dans la colonie une célébrité due à la réunion de quatre colons, venus ici en amateurs et ramassant 150 livres pesant d’or pur (187,500 fr.) entre le déjeuner et le dîner. D’autres fouilles ont été faites immédiatement dans le voisinage de ces fortunés compagnons : le rendement journalier a donné une moyenne de 6 à 9 livres d’or (de 7,500 à 11,250 fr.) ; sur toute la ligne des ravins et des plateaux environnans, les mineurs ont un bonheur extraordinaire. La plupart ont pu emporter avec eux 9, 12 et 20 livres (de 11 à 25,000 fr.)… Il y avait récemment au ravin d’Adélaïde sept tonnes d’or (24,180,000 fr.) restées disponibles par suite du manque de chevaux pour les transporter, et une quantité plus considérable devait bientôt s’y accumuler. » Les récits de ce genre, qui touchent au fantastique, sont confirmés de temps en temps par les rapports officiels. Nous lisons dans les derniers avis que, du 18 août au 17 septembre 1853, Melbourne a reçu, par les escortes du gouvernement, 253,927 onces, c’est-à-dire 26,662,000 fr. en un mois. Et Melbourne n’est qu’un des trois points d’embarquement de l’Australie !

On entend dire assez souvent que les nouvelles de ce genre sont des réclames américaines pour amorcer les Européens, et, de ce qu’un grand nombre de gens travaillant aux mines n’y recueillent que misère et déception au lieu de l’opulence qu’ils ont rêvée, on conclut que la productivité des pays aurifères est exagérée jusqu’au mensonge. C’est fort mal raisonner. Que beaucoup de mineurs fassent, en fin de compte, d’assez mauvaises affaires, la chose est possible ; mais cela veut dire seulement que l’or qu’ils exhument ne suffit pas à couvrir leurs dépenses, qui sont excessives. Nous remarquons dans une curieuse relation, dont on a bien voulu nous communiquer un fragment inédit[1], un fait qui va expliquer la contradiction apparente. À peine débarqués en Californie, quatre Français

  1. Voyage en Californie, par M. Édouard Auger. {Sous presse.)