Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/813

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

procédé qui consiste à séparer l’argent en amalgamant le minerai trituré avec du mercure. On tire de la matière brute une quantité beaucoup plus forte de métal épuré ; on utilise des masses considérables de résidus négligés précédemment. À cette période se rapporte le plus rapide et le plus grand enchérissement des marchandises dont l’histoire économique ait gardé souvenir (à part toutefois la phase anormale des assignats). Les prix commerciaux s’élèvent dans la proportion de 1 à 4 ou 5, c’est-à-dire que, pour acheter une même chose, il faut donner un poids d’argent quatre ou cinq fois plus fort. C’est non pas l’objet qui a gagné en prix, mais le numéraire qui a perdu les trois quarts du sien.

Avec le procédé de l’amalgation, le sacrifice qu’il faut faire pour l’achat du mercure règle en grande partie la valeur commerciale de l’argent. Le gouvernement espagnol, détenteur de deux mines de mercure sur les trois qui étaient connues dans le monde, tint d’abord cette substance à un prix excessif ; c’était le moyen de soutirer tout le bénéfice des exploitations. On finit par découvrir, vers le milieu du XVIIIe siècle, que les entrepreneurs étaient découragés, et que l’abandon du travail des mines ruinerait les colonies américaines en leur enlevant tout leur prestige. On abaissa dès lors le prix du mercure, qui, en 1778, fut livré à raison de 41 piastres le quintal, au lieu de 187 piastres qu’il coûtait en 1590. Cette réforme ayant amélioré les conditions du travail, les mineurs reprirent courage, et, à partir de 1760 jusqu’à la fin du siècle, ils versèrent en Europe des sommes assez abondantes pour y déterminer un nouvel enchérissement des marchandises, évalué par les contemporains au double des prix de la période antérieure. La production de l’or prit en même temps une importance extraordinaire par l’organisation des lavages du Brésil. À partir des premières années du XIXe siècle, la Russie n’a cessé de découvrir dans l’Oural, ensuite dans l’Altaï, des gisemens de sables aurifères de plus en plus riches. C’est ainsi que la production des métaux précieux est arrivée au point que nous avons constaté pour 1848, à la somme déjà énorme de 433 millions de francs.

On voit dans le tableau qui précède que pendant les quarante-huit premières années du siècle, la production de l’argent est restée à peu de chose près stationnaire, tandis que celle de l’or a presque triplé. Cet accroissement n’a pas eu pendant cette période une influence bien marquée sur les valeurs commerciales, parce que l’enchérissement est moins déterminé par l’abondance monétaire que par le prix de revient de la monnaie. Une faible quantité de métaux précieux obtenue à vil prix occasionnerait sur les marchés une hausse plus forte qu’une quantité beaucoup plus considérable extraite sans bénéfice. Le commerce n’avait donc pas à s’inquiéter beaucoup des progrès