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despotisme dans le cœur, il l’aurait eu dans la tête. » C’est cela même qu’on réhabilite aujourd’hui.

On ne sait pas assez combien la pratique violente et impunie de l’iniquité, maintenue séculairement dans le pouvoir, employée même par des gouvernemens habiles et dans un intérêt public, tolérée par les préjugés des superstitieux adorateurs de l’autorité, justifiée, vantée par les ingénieux apologistes de la force et du succès, pervertit profondément le sens moral des nations, enhardit au mal les partis et les pouvoirs à venir, corrompt d’avance jusqu’aux révolutions futures. Ce n’est que dans les villes où il y a eu des Saint-Barthélemy qu’il y a des 2 septembre.

Je crois d’ailleurs contestable que les excès de tyrannie aient beaucoup servi l’œuvre générale de l’anéantissement de la féodalité. La crainte put produire, l’obéissance ; mais la crainte est passagère, et ne gagne pas les institutions. Richelieu, fut à peine descendu dans la tombe, que la noblesse se retrouva avec le même esprit et recourut aux mêmes moyens de résistance. La régence d’Anne d’Autriche rencontra les mêmes obstacles que celui de Marie de Médicis. Les complots de l’aristocratie ne furent, ni moins audacieux, ni plus motivés ; les princes eurent aussi peu de scrupule à conspirer avec l’étranger. Si Richelieu se fut montré moins rigoureux, je le demande, que se serait-il passé de plus dans la fronde ? Ce sont ses mesures d’administration générale seules dignes d’être comptées dans les progrès de la cause démocratique, c’est l’influence des officiers publics croissant en nombre et en capacité, c’est le mouvement universel des mœurs et des idées, c’est l’irrésistible agrandissement de la bourgeoisie par la puissance de l’esprit de société, qui purent abréger la fronde, en modérer les actes, contribuer à en prévenir le retour. La souplesse et la patience de Mazarin, l’égal de Richelieu dans la politique étrangère, secondèrent heureusement le cours naturel des choses, et il laissa après lui une France plus soumise et plus calme que ne la lui avaient léguée l’habileté agitée et la fermeté implacable de son prédécesseur et de son maître. Mazarin ne parle pas à l’imagination. Il ne paraît pas en dominateur sur le théâtre de l’histoire. Le manque de dignité personnelle, cette familiarité italienne qui ne fait pas valoir les grandes qualités de l’esprit, l’ont placé peut-être à un rang inférieur, à celui que lui devrait la justice de l’opinion nationale.


VII

Ces réflexions sur le gouvernement d’un grand homme ne tendent nullement à diminuer l’admiration due à certaines qualités du caractère