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féodale. L’âme généreuse de Louis XII rachète même ses fautes ; mais le règne de la maison de Valois a été, avant le règne de Louis XV, la plus triste époque des cinq derniers siècles. Il est difficile de trouver entre 1515 et 1589 des années où une sincère et judicieuse pensée de bien public ait avec un peu de suite prévalu dans les conseils du prince. À des guerres malheureuses succédèrent bientôt des guerres civiles. Toutes les garanties d’ordre, de pouvoir ou d’indépendance devinrent l’instrument des factions. Le parti du roi lui-même fut une faction. Ce XVIe siècle, qui n’a peut-être pas de supérieur dans les fastes de l’esprit humain, fut une ère de souffrances et de crimes. Alors que la lumière du génie moderne dominait enfin de son éclat les teintes incertaines d’un long crépuscule, ce ne fut pas la moindre misère d’une société qui, par de nouvelles idées, s’éveillait à de nouveaux besoins, que de se sentir plus malheureuse ou plus opprimée dans le moment où elle concevait mieux ses droits au bonheur et à la justice.

Les guerres civiles, qui sont quelquefois une rude, mais bonne école, lui apprirent et lui servirent peu, sauf qu’elles faillirent lui enseigner à ne compter sur rien, ni sur personne, ni sur elle-même. Roi, clergé, noblesse, parlement, tiers-état, communes, que valait tout cela, qui n’empêchait ni le massacre de Vassy, ni la Saint-Barthélemy, ni les barricades, ni le siège de Paris ? Dira-t-on du peuple quoesivit coelo lucem, parce que la religion servit de bannière aux discordes civiles ? Mais la religion était le catholicisme ou le protestantisme. Or en France l’apparition de la réforme n’a fait nul bien à l’église. Elle n’a servi qu’à la passionner et à l’aigrir ; elle lui a appris tantôt à se liguer, tantôt à lutter avec la royauté, non dans un intérêt public, mais dans un intérêt de domination. Le clergé eut sa cause, son drapeau, sa politique ; il devint un parti, grand et irréparable malheur, et qui n’a pas faiblement contribué au déclin de son influence. Quant à la réforme, peu de pays peut-être semblaient au début mieux préparés que la France à l’accueillir, comme révolution ecclésiastique du moins, sinon comme transformation religieuse. La cour de Rome n’y jouissait d’aucune faveur. Les abus de l’église, sans être plus crians qu’ailleurs, étaient continuellement en butte aux traits du peuple moqueur par excellence. Ce n’était pas sans doute assez que de pareils mobiles pour susciter le triomphe du protestantisme. Toutefois ils servirent partout puissamment au mouvement spirituel qui lui donna naissance, et parmi nous, dans la haute noblesse, dans une partie distinguée du clergé, dans la bourgeoisie lettrée, l’esprit protestant était tout prêt ; mais dès ce temps-là, pour faire une révolution, il fallait le roi et Paris. Si le frère avait valu la sœur, si François Ier avait eu le cœur et la tête de Marguerite