— Dieu nous protège ! dit Ulrich. Où avez-vous découvert cette merveilleuse fontaine, oncle Job ?
— A l’auberge du Lauterbrunnen, répondit le vieillard. Ce matin le sommelier m’a acheté tout ce que j’avais trouvé d’échantillons vers le Rosenlawi : j’ai reçu dix-sept batz, grâce auxquels j’ai pu vous donner ce festin,… et il en reste encore, ajouta-t-il en frappant sur sa poche, qui fit entendre un tintement métallique.
Et comme le jeune sculpteur exprimait son admiration :
— Bah ! ce n’est rien, enfant, reprit l’oncle Job en baissant la voix ; si vous saviez ce que j’ai aperçu hier au haut d’une roche découverte par la fonte des neiges ! un nid de vrai cristal ! Je l’ai soupçonné tout de suite, à voir comment la paroi feuilletée se soulevait. Je l’ai frappée d’une pierre, elle a fait entendre le même bruit qu’une cloche sous son battant.
— Et vous avez pu mettre la main sur ce trésor ?
— Pas encore. Crois-tu donc qu’on y arrive si facilement ? Non, non, le nid est caché au flanc de la roche, juste sur le gouffre ! Mais avec une corde l’homme peut arriver partout où va l’oiseau : demain j’y retourne. — A propos, Hans, en traversant la Wengern-Alpp, j’ai vu des pistes de chamois au-dessus d’Upigel ; je pourrais t’indiquer l’endroit.
— Merci, j’en connais d’autres, répondit Hans.
— Ceux-ci sont en nombre, fit observer l’oncle Job, et tu sais que la Wengern-Alpp est un terrain facile pour la chasse.
— Je ne cherche point les terrains faciles, objecta sèchement le chasseur, et jetant à son cousin un regard ironique, il ajouta : — Mais autrefois je suppose que la chose eût pu tenter Ulrich.
— Tu supposes bien, Hans, car cela me tente encore aujourd’hui, répondit le sculpteur ; vous me donnerez tous les renseignemens, oncle Job, et demain je me mets en quête.
— Toi ! s’écria Hans, qui se redressa. Par ma vie ! parles-tu sérieusement ?
— Assez pour redemander à l’oncle mon équipement de chasseur que j’ai laissé chez lui.
— Est-ce vrai ? s’écria le vieillard ; tu renonceras à tes bois sculptés pour revenir à la montagne !
— Je veux essayer.
— Alors tu ne retourneras pas aujourd’hui à Mérengen ?
— Aujourd’hui, si vous le permettez, je dormirai sous votre toit, oncle Job.
— Et demain ?
— Demain, vous me rendrez ma carabine en m’indiquant les pistes que vous avez rencontrées sur la Wengern-Alpp.
Le vieillard quitta vivement la table.