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garde pas. On ne saurait se faire une idée de la quantité de papier que, dans une vieillesse si tourmentée de soucis personnels, il barbouille tantôt pour les solliciteurs ou inventeurs[1] qui implorent son appui en lui supposant une influence qu’il n’a point, tantôt sur toutes les questions politiques, diplomatiques ou commerciales qui intéressent la France.


IV. – MORT DE BEAUMARCHAIS. – CONCLUSION.

Au milieu de ces préoccupations si diverses, et malgré les heures de découragement où Beaumarchais se croit ruiné sans ressources, la gaieté native[2]

  1. C’est ainsi qu’un des derniers travaux de sa vieillesse est un mémoire au ministre de l’intérieur, François de Neufchateau, en faveur d’un homme qui croyait avoir découvert l’art de diriger les aérostats. Un autre jour, si Mme  Scherer, femme du ministre de la guerre, vient visiter son jardin, Beaumarchais en profite pour lui présenter une supplique très galamment tournée en faveur d’un vieux militaire.
  2. Nous avons déjà cité le singulier couplet en réponse au couplet de Julie mourante ; pourquoi ne citerions-nous pas encore en note, pour achever le portrait de cette physionomie si variée, la chanson inédite que voici ? Quoique légère, elle est plutôt grotesque et plaisante qu’indécente. Beaumarchais a écrit ces couplets de son écriture de vieillard la plus lourde : ils doivent donc dater des derniers jours de sa vie. On pourrait dire d’eux ce qu’il dit de la chanson de sa sœur Julie : c’est aussi son chant du cygne.
    ROMANCE QUI DOIT ÊTRE CHANTÉE LENTEMENT ET AVEC UN GRAND SENTIMENT.

    Devant les dames, on la chante en i ;
    Devant les filles, on la chante en ou.

    Sur l’air : O gué lan la landerirette,
    O gué lan la landerira.

    1er  COUPLET.
    Grave et doux.

    Au fond d’un verger, Climène
    Attendait le beau Licas ;
    Sa bouche exprimait à peine.
    Mais son cœur disait tout bas :

    Vite et fort

    Qué bigre est ça ? landerirette
    Qué bigre est ça ? landerira

    2e COUPLET.
    Grave et doux.

    Dans son ardeur inquiète,
    Mille fois elle appela :
    Mais l’écho, qui tout répète,
    Ne rendit que ces mots-là :

    Vite et fort

    Qué bigre est ça ? landerirette
    Qué bigre est ça ? landerira

    3e COUPLET.
    Grave et doux.

    Le berger entend sa plainte,
    Il accourt entre ses bras :
    « Ta douleur s’est peu contrainte,
    « Car j’entendais de là-bas :

    Vite et fort

    Qué bigre est ça ? landerirette
    Qué bigre est ça ? Landerira !