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Une fois le bonheur de sa fille assuré, l’auteur du Mariage de Figaro eut à régler ses comptes avec le gouvernement, et à remédier de son mieux aux ravages que quatre ans de procès ou de proscription avaient faits dans sa fortune.

On n’a pas oublié sa situation vis-à-vis de l’état quant à cette désastreuse affaire des fusils. Il avait reçu des avances en assignats ; il avait déposé des valeurs en nantissement de ces avances ; tous ses revenus avaient été confisqués pendant près de quatre ans ; il avait été obligé de dépenser des sommes considérables pour empêcher les Anglais de s’emparer des fusils déposés à Tervère, et, après avoir préservé ces armes pendant quatre ans, il s’était vu contraint de les laisser enlever de force et d’accepter le prix arbitraire auquel le gouvernement anglais avait jugé à propos de les estimer. — Il s’agissait donc d’établir une compensation entre les avances en assignats reçues par lui et le prix de vente des fusils également touché par lui d’une part, et de l’autre les valeurs qu’il avait déposées en nantissement, ses revenus et ses créances indûment confisqués, les sommes diverses dépensées pour la préservation de ces armes par ordre du comité de salut public ; il s’agissait de le constituer soit créancier, soit débiteur de la république, suivant le résultat de cette compensation.

En général, les gouvernemens n’aiment guère à restituer de l’argent, et cette répugnance, en quelque sorte normale, devait être encore augmentée ici par le résultat de toute l’affaire, puisqu’en fin de compte la république avait fait des avances contre nantissement à la vérité, mais n’avait pas reçu de fusils. D’un autre côté, ce n’était pas la faute de Beaumarchais si, au milieu du désordre des temps, après n’avoir prêté aucun concours à ses opérations, on avait encore très injustement confisqué tous ses revenus et poursuivi, au profit de l’état, le recouvrement de toutes ses créances. Un premier examen de ce difficile règlement de comptes entre Beaumarchais et l’état

    lant pas se séparer d’un homme qui avait rendu de grands services dans des circonstances difficiles, lui fit accepter le grade de maréchal de camp dans la garde nationale, grade qu’il occupa jusqu’en février 1848, où à quatre-vingts ans il commandait une brigade. Ce gendre de Beaumarchais, au moment où nous écrivons, vit encore, entouré, dans sa florissante vieillesse, de l’affection respectueuse de tous ceux qui ont pu apprécier les nobles qualités de son esprit et de son caractère. De son mariage avec la fille unique de Beaumarchais, M. Delarue a eu deux fils, dont l’aîné, après avoir été successivement page de l’empereur, officier d’ordonnance du roi Louis-Philippe, colonel du 2e régiment de lanciers, est actuellement général de brigade. Le second petit-fils de l’auteur du Mariage de Figaro occupe les fonctions de receveur particulier des finances, et enfin une petite-fille de Beaumarchais, mariée à un officier de l’empire, a donné le jour à une des personnes les plus aimables et les plus spirituelles de Paris, Mme  Roulteaux-Dugage, dont le mari, ancien préfet sous le gouvernement de juillet, est aujourd’hui membre du corps législatif.