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un hosanna glorieux. Ce morceau est d’un très bon sentiment, et, quoiqu’il ne soit pas bien original, si M. Berlioz en composait souvent dans ce style, il verrait que nous n’avons de parti pris que celui de la vérité et de la pureté de l’art. Un morceau de musique instrumentale de M. George Mathias, qui n’est pas sans mérite, une scène de M. Gounod, intitulée Pierre l’Ermite, ont précédé l’exécution d’une symphonie nouvelle qui a été l’événement du concert.

Cette symphonie, qui s’est produite avec un peu trop de mise en scène, est la première œuvre d’un jeune homme de vingt ans, M. Saint-Saëns, connu depuis longtemps dans le monde musical et dans les concerts pour un pianiste de bonne école. Le premier morceau n’a pas une grande signification; le thème manque de relief et de caractère. Le second épisode ou scherzo est infiniment supérieur aussi bien par l’idée mélodique que par les déductions qu’en tire le jeune maestro. L’andante qui suit est au contraire tout à fait remarquable, il annonce une imagination heureusement douée et des connaissances solides dans la partie matérielle de l’art. Le finale nous a paru faiblement conçu, et le thème trop fragile pour supporter ce double orchestre d’instrumens de cuivre dont l’a surchargé M. Saint-Saëns. Ce double orchestre, assure-t-on, était imposé au compositeur par un programme officiel dont il fallait remplir les conditions. Quoi qu’il en soit de cette explication, notre critique conserve sa valeur. En rendant justice à ce début remarquable de M. Saint-Saëns, il n’est pas inutile d’ajouter que trois ou quatre morceaux de musique instrumentale qui se succèdent sans autre lien que l’ordre numérique ne constituent pas, plus une symphonie que trois ou quatre épisodes détachés ne forment un poème. C’est par l’unité de conception qu’on reconnaît une œuvre sortie, comme Minerve, tout armée des entrailles du poète ou du musicien, et cette imité est si rare, si difficile à obtenir, que Mendelssohn lui-même ne la trouve pas toujours. C’est par ce défaut de cohésion que l’œuvre de ce maître laisse souvent à désirer.

Le premier et le deuxième concert de la société de Sainte-Cécile ont eu lieu le 15 et le 29 janvier. Dans le premier, on a exécuté l’admirable scène de l’Idoménée de Mozart, composée d’un récitatif, d’un chœur, d’une marche et d’un air de ténor, qu’on peut mettre au-dessus des plus grandes pages de musique dramatique qui existent. L’ouverture de Mélusine de Mendelssohn et la quatrième ouverture de Léonore de Beethoven ont complété le programme de cette belle fête. Le deuxième concert a été rempli par l’ouverture d’Eurianthe de Weber, par une charmante sérénade pour instrumens à cordes de M. Gouvy, par le joli finale d’Eurianthe et la symphonie en la de Beethoven, qui a été exécutée avec un ensemble et une verve dignes d’éloge. Quand la société de Sainte-Cécile, que M. Seghers a fondée et qu’il dirige avec tant de zèle et d’ardeur, n’aurait servi qu’à mettre en évidence M. Th. Gouvy et M. Saint-Saëns, elle aurait bien mérité des amis de l’art et de la bienveillance de l’autorité.

MM. Maurin et Chevillard continuent cette année leurs séances de musique instrumentale qui ont eu tant de succès les années précédentes. Secondés par une pianiste distinguée. Mme Mattmann, ils ont donné leur première séance le 13 janvier dans la salle Pleyel, où ils ont exécuté un trio en ut mineur de Mendelssohn, d’un mérite très inégal, le quatuor en ré de