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cemment les journaux de l’opposition garder un silence affecté au sujet de la naissance d’une infante et de sa mort qui a suivi de près. De nouveaux manifestes sont adressés à la reine. Il y a peu de jours encore, un certain nombre d’hommes considérables, MM. Olozaga, Infante, Rios-y-Rosas, Gonzalès Bravo, Pacheco, Madoz, Ros de Olano, le duc de Rivas, etc., assez singulièrement associés à beaucoup d’autres écrivains plus obscurs, adressaient une communication à la presse opposante pour offrir leurs plumes comme au moment du plus extrême péril. Quant au ministère, dont le devoir est de couvrir l’autorité royale, et qui s’était proposé de désarmer l’opposition, — après avoir essayé de réunir les cortès, il se trouve plus que jamais placé aujourd’hui dans l’alternative d’une retraite ou de quelque chose qui doit fort ressembler à un coup d’état ; mais quelle sera la nature de ce coup d’état, et d’un autre côté, quel est le dernier mot des oppositions coalisée ? Là est la question aujourd’hui, là est la gravité de la situation de la Péninsule.

Le mot de cette situation, pourquoi ne le dirait-on pas, puisque c’est à peu près le secret de tout le monde ? La vérité est que, pour une cause ou pour l’autre et par une série d’évolutions singulières, l’opposition en Espagne en est arrivée, dit-on, dans ces derniers temps, à caresser un projet des plus inattendus. Il ne s’agirait de rien moins que d’un plan qui tendrait à réunir de nouveau l’Espagne et le Portugal ; à Lisbonne comme à Madrid, on s’en préoccupe, assure-t-on. Conçu à loisir, avec maturité, de manière à ne porter atteinte à aucune situation, au moyen, par exemple, de quelque alliance entre les deux familles royales, certes ce projet soulèverait encore des difficultés sérieuses de plus d’un genre. Si ce n’était que le fait d’un esprit de changement qui y verrait l’occasion indirecte de poser une question de souveraineté et de mettre en doute la permanence de la dynastie de Bourbon au-delà des Pyrénées, on ne s’est point dissimulé sans doute que c’est là le programme d’une révolution et de guerres civiles qui peuvent durer cinquante ans, pour ramener, au bout du compte, l’Espagne et le Portugal également épuisés au point où ils en sont aujourd’hui politiquement. Indépendamment des complications plus délicates qui surgiraient aussitôt, imagine-t-ou en effet ce qui arriverait le jour où se poserait cette simple question de savoir où serait le siège du gouvernement ? Faudrait-il aller de Barcelone à Lisbonne ou d’Oporto à Madrid ? L’Espagne et le Portugal sont deux pays qui semblent faits pour vivre ensemble, et entre lesquels malheureusement il existe une véritable incompatibilité d’humeur. On a de tout temps parlé de leur union, et cette union n’a pu subsister que soixante ans dans leur histoire. Quoi qu’il en soit, l’idée existe, à ce qu’il parait. Seulement ce serait trop dire que d’attribuer à cette idée l’importance d’un plan arrêté et de supposer même qu’elle existe à un égal degré chez tous les hommes qui passent pour faire de l’opposition. N’eût-elle eu pour quelques imaginations ardentes que la valeur d’une tentation, cela suffit pour laisser pressentir la situation des esprits. Un des plus curieux problèmes serait de savoir comment on en est venu là. Nous savons tout ce que peut dire l’opposition espagnole. C’est un malheur lorsque les hommes les plus éminens, dont l’opinion est en grande majorité dans le pays, sont hors des conseils ; mais qui a contribué à ce résultat plus que le parti constitutionnel lui-même par un travail permanent de dislocation et de dissolution ? Parmi ceux qui considéreraient aujourd’hui