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d’effet. Point de grandes masses obscures, point de ces partis-pris violens qui sont de mise dans les tableaux, et que n’autorise pas un genre de peinture où la puissance du relief deviendrait un grave défaut. Les seuls contrastes dont l’emploi ne fut pas interdit au peintre étaient les oppositions résultant de l’espèce même des tons. Pour rendre ces nuances diverses uniformément éclairées, la gravure, qui ne dispose que de deux tons, avait donc ici plus à faire que dans les cas où la variété des teintes est soutenue par la variété de l’effet. Enfin, si l’on se rappelle avec quelle fermeté la silhouette de chaque figure se dessine dans l’Hémicycle peint par M. Delaroche, on comprendra le nouveau danger auquel cette précision rigoureuse exposait le graveur. Le burin pouvait aisément la faire tourner en sécheresse ou l’interpréter à contre-sens. En insistant un peu trop sur les contours, il découpait en formes isolées des formes qu’il importait de laisser reliées entre elles. En creusant au contraire ces contours avec trop de réserve, il ôtait au dessin la vigueur nécessaire, il diminuait à la fois la signification du modèle et l’impression qu’il s’agissait de produire; il devenait en même temps infidèle à l’esprit du texte et à l’esprit essentiel de l’interprétation.

La traduction de l’œuvre de M. Delaroche était, on le voit, une des tâches les plus difficiles que la gravure pût accepter. Et d’abord quel mode d’exécution matérielle convenait-il de choisir ? Suffisait-il, à l’exemple de Marc-Antoine dans son Parnasse d’après Raphaël, de tracer un dessin sur cuivre, de soutenir ce trait au moyen de quelques masses de tailles, et d’indiquer l’effet eu en formulant seulement le principe ? ou bien fallait-il, comme Gérard Audran dans ses grandes planches d’après Lebrun, accuser toutes les conséquences de l’effet, tout le relief du modelé, et ne rien omettre de ce que la réalité nous donne ? Mais de ces illustres exemples ni l’un ni l’autre ne pouvait être littéralement suivi. L’estampe du Parnasse, et en général les estampes de Marc-Antoine, sont gravées d’après les originaux au crayon ou à la plume. Admirablement appropriée au caractère spécial de pareils modèles, la méthode du maître bolonais deviendrait insuffisante, si on l’appliquait à la traduction des œuvres du pinceau. Le maître français, au contraire, n’a interprété que des tableaux; sa manière énergique, si opportune là où il s’agirait de rendre le fait dans toute sa puissance, ne saurait être imitée avec à-propos en face d’une peinture murale dont l’aspect et le sens intime doivent demeurer un peu abstraits. Le meilleur parti à prendre sans doute était une sorte de mezzo-termine entre ces deux systèmes de gravure. Cette méthode intermédiaire entre la recherche exclusive du dessin et le libre emploi de tous les moyens pittoresques, M. Henriquel-Dupont l’a mise en pratique avec une sûreté de goût et un art