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reprocher à la planche gravée d’après M. Hersent n’est pas au reste la seule que révèle ce travail. A l’époque où M. Henriquel-Dupont entreprit son Gustave Wasa, l’importation des estampes anglaises en France était encore un fait assez récent pour qu’on n’eût pas eu le temps de revenir du premier engouement et d’apprécier avec sang-froid la portée réelle de pareilles œuvres. Aujourd’hui nous sommes assez blasés sur le charme de cette manière invariablement futile, sur la coquetterie de cet art fardé, et ses séductions ont été trop souvent renouvelées pour paraître désormais irrésistibles ; mais avant 1830 les graveurs, comme le public, se laissaient pleinement séduire. M. Henriquel-Dupont, sans avoir été entraîné aussi loin que beaucoup d’autres artistes contemporains, ne sut pas se défendre de quelques velléités d’imitation. Déjà, dans son Portrait d’Hussein-Pacha, — le plus romantique à coup sûr de ses ouvrages, — il avait assez franchement adopté la méthode de Cousins et des autres graveurs anglais. On trouverait dans le Gustave Wasa des indices plus soigneusement dissimulés, mais au fond non moins significatifs, de l’attention trop bienveillante que le graveur accordait aux vignettes venues de Londres. S’est-il reproché depuis cette infidélité aux principes de l’école française ? On le croirait, à voir les œuvres mêmes qu’il a successivement produites. Ce qui est certain, c’est que personne, il y a vingt ans, n’aurait songé à la blâmer, et, loin de paraître répréhensible, le goût un peu anglais que décèlent certaines parties du Gustave Wasa ne contribua pas médiocrement à l’éclatant succès qu’obtint cette planche en 1831. Hâtons-nous d’ajouter qu’à tous autres égards un pareil succès était parfaitement légitime. Il fallait certes une extrême souplesse de burin, une rare intelligence des procédés, et, par-dessus tout, un sentiment très délicat du dessin et du coloris pour rendre, sans monotonie comme sans confusion, une multitude d’objets différens quant à l’espèce, mais placés à peu près dans le même milieu. Tant d’étoffes de toutes sortes par exemple, éclairées d’une manière presque uniforme, nécessitaient chacune un mode d’interprétation spécial qui cependant ne vînt pas troubler la limpidité de l’aspect, arrêter le regard et le distraire du spectacle de l’ensemble. Cette variété dans l’unité est sentie et rendue avec une remarquable finesse, et si le Gustave Wasa n’est pas tout à fait une œuvre de maître, c’est sans nul doute l’œuvre d’un talent très ingénieux et une estampe pleine de channe.

Le charme, telle est la qualité principale des travaux de M. Henriquel-Dupont; mais n’y eut-il pas dans la vie de l’habile artiste un moment où cette qualité fut bien près de dégénérer en défaut ? Le Portrait de Mme Pasta, le Cromwell d’après M. Delaroche, le Louis-Philippe Ier d’après Gérard, d’autres estampes gravées soit au burin.